XXV.

Je respire où tu palpites,

Tu sais ; à quoi bon, hélas !

Rester là si tu me quittes,

Et vivre si tu t’en vas ?

À quoi bon vivre, étant l’ombre

De cet ange qui s’enfuit ?

À quoi bon, sous le ciel sombre,

N’être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles,

Dont avril est le seul bien.

Il suffit que tu t’en ailles

Pour qu’il ne reste plus rien.

Tu m’entoures d’auréoles ;

Te voir est mon seul souci.

Il suffit que tu t’envoles

Pour que je m’envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;

Mon âme au ciel, son berceau,

Fuira, car dans ta main blanche

Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne,

Si je n’entends plus ton pas ?

Est-ce ta vie ou la mienne

Qui s’en va ? Je ne sais pas.

Quand mon courage succombe,

J’en reprends dans ton cœur pur ;

Je suis comme la colombe

Qui vient boire au lac d’azur.

L’amour fait comprendre à l’âme

L’univers, sombre et béni ;

Et cette petite flamme

Seule éclaire l’infini.

Sans toi, toute la nature

N’est plus qu’un cachot fermé,

Où je vais à l’aventure,

Pâle et n’étant plus aimé.

Sans toi, tout s’effeuille et tombe ;

L’ombre emplit mon noir sourcil ;

Une fête est une tombe,

La patrie est un exil.

Je t’implore et te réclame ;

Ne fuis pas loin de mes maux,

Ô fauvette de mon âme

Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,

De quoi puis-je avoir effroi,

Que ferai-je de la vie,

Si tu n’es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,

Tu portes dans les buissons,

Sur une aile ma prière,

Et sur l’autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile

L’inconsolable douleur ?

Que ferai-je de l’étoile ?

Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose

Qu’illuminait ta douceur ?

Que répondrai-je à la rose

Disant : « Où donc est ma sœur ? »

J’en mourrai ; fuis, si tu l’oses.

À quoi bon, jours révolus !

Regarder toutes ces choses

Qu’elle ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,

De la vertu, du destin ?

Hélas ! et, sans ton sourire,

Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,

Sans toi, du jour et des cieux,

De mes baisers sans ta bouche,

Et de mes pleurs sans tes yeux !

Août 18…

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