VI. La source

Un lion habitait près d’une source ; un aigle

Y venait boire aussi.

Or, deux héros un jour, deux rois – souvent Dieu règle

La destinée ainsi –

Vinrent à cette source, où des palmiers attirent

Le passant hasardeux,

Et, s’étant reconnus, ces hommes se battirent

Et tombèrent tous deux.

L’aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes,

Et leur dit, rayonnant :

– Vous trouviez l’univers trop petit, et vous n’êtes

Qu’une ombre maintenant !

Ô princes ! et vos os, hier pleins de jeunesse,

Ne seront plus demain

Que des cailloux mêlés, sans qu’on les reconnaisse,

Aux pierres du chemin !

Insensés ! à quoi bon cette guerre âpre et rude,

Ce duel, ce talion ?… –

Je vis en paix, moi, l’aigle, en cette solitude

Avec lui, le lion.

Nous venons tous deux boire à la même fontaine,

Rois dans les mêmes lieux ;

Je lui laisse le bois, la montagne et la plaine,

Et je garde les cieux.

Octobre 1846.

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