IX La captive

On entendait le chant des oiseaux aussi harmonieux que la poésie.
Sadi. Gulistan.

Si je n’étais captive,

J’aimerais ce pays,

Et cette mer plaintive,

Et ces champs de maïs,

Et ces astres sans nombre,

Si le long du mur sombre

N’étincelait dans l’ombre

Le sabre des spahis.

Je ne suis point tartare

Pour qu’un eunuque noir

M’accorde ma guitare,

Me tienne mon miroir.

Bien loin de ces Sodomes,

Au pays dont nous sommes,

Avec les jeunes hommes

On peut parler le soir.

Pourtant j’aime une rive

Où jamais des hivers

Le souffle froid n’arrive

Par les vitraux ouverts.

L’été, la pluie est chaude,

L’insecte vert qui rôde

Luit, vivante émeraude,

Sous les brins d’herbe verts.

Smyrne est une princesse

Avec son beau chapel ;

L’heureux printemps sans cesse

Répond à son appel,

Et, comme un riant groupe

De fleurs dans une coupe,

Dans ses mers se découpe

Plus d’un frais archipel.

J’aime ces tours vermeilles,

Ces drapeaux triomphants,

Ces maisons d’or, pareilles

À des jouets d’enfants ;

J’aime, pour mes pensées

Plus mollement bercées,

Ces tentes balancées

Au dos des éléphants.

Dans ce palais de fées,

Mon cœur, plein de concerts,

Croit, aux voix étouffées

Qui viennent des déserts,

Entendre les génies

Mêler les harmonies

Des chansons infinies

Qu’ils chantent dans les airs.

J’aime de ces contrées

Les doux parfums brûlants,

Sur les vitres dorées

Les feuillages tremblants,

L’eau que la source épanche

Sous le palmier qui penche,

Et la cigogne blanche

Sur les minarets blancs.

J’aime en un lit de mousses

Dire un air espagnol,

Quand mes compagnes douces,

Du pied rasant le sol,

Légion vagabonde

Où le sourire abonde,

Font tournoyer leur ronde

Sous un rond parasol.

Mais surtout, quand la brise

Me touche en voltigeant,

La nuit j’aime être assise,

Être assise en songeant,

L’œil sur la mer profonde,

Tandis que, pâle et blonde,

La lune ouvre dans l’onde

Son éventail d’argent.

7 juillet 1828.

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