XVI À MA FILLE ADÈLE.

 Tout enfant, tu dormais près de moi, rose et fraîche,

Comme un petit Jésus assoupi dans sa crèche ;

Ton pur sommeil était si calme et si charmant

Que tu n’entendais pas l’oiseau chanter dans l’ombre ;

Moi, pensif, j’aspirais toute la douceur sombre

Du mystérieux firmament.

Et j’écoutais voler sur ta tête les anges ;

Et je te regardais dormir ; et sur tes langes

J’effeuillais des jasmins et des œillets sans bruit ;

Et je priais, veillant sur tes paupières closes ;

Et mes yeux se mouillaient de pleurs, songeant aux choses

Qui nous attendent dans la nuit.

Un jour mon tour viendra de dormir ; et ma couche,

Faite d’ombre, sera si morne et si farouche

Que je n’entendrai pas non plus chanter l’oiseau ;

Et la nuit sera noire ; alors, ô ma colombe,

Larmes, prière et fleurs, tu rendras à ma tombe

Ce que j’ai fait pour ton berceau.

4 octobre 1857.

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