XXXVII EXIL

Si je pouvais voir, ô patrie,

Tes amandiers et tes lilas,

Et fouler ton herbe fleurie,

Hélas !

Si je pouvais, ― mais, ô mon père,

Ô ma mère, je ne peux pas, ―

Prendre pour chevet votre pierre,

Hélas !

Dans le froid cercueil qui vous gêne,

Si je pouvais vous parler bas,

Mon frère Abel, mon frère Eugène,

Hélas !

Si je pouvais, ô ma colombe,

Et toi, mère, qui t’envolas,

M’agenouiller sur votre tombe,

Hélas !

Oh ! vers l’étoile solitaire,

Comme je lèverais les bras !

Comme je baiserais la terre,

Hélas !

Loin de vous, ô morts que je pleure,

Des flots noirs j’écoute le glas ;

Je voudrais fuir, mais je demeure,

Hélas !

Pourtant le sort, caché dans l’ombre,

Se trompe si, comptant mes pas,

Il croit que le vieux marcheur sombre

Est las.

18 juillet 1870.

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