XL LA NUIT PENDANT QUE LES PÊCHEURS SONT EN MER.

Les visions se répandent

Dans le firmament terni ;

De hideux nuages pendent

Au noir plafond infini ;

L’étoile y vient disparaître ;

Il semble qu’une main traître,

Guettant les astres vermeils,

Au fond de l’ombre indignée,

Tend ses toiles d’araignée

Pour ces mouches, les soleils.

L’arbre se tord sur la côte ;

Le flot s’acharne au récif ;

Une clameur triste et haute

Avertit l’homme pensif ;

L’écume roule, avalanche ;

La lame féroce et blanche

Luit comme l’yatagan ;

La terre sanglote et souffre,

Livrée aux baisers du gouffre,

Au viol de l’ouragan.

La mer n’est plus qu’épouvante ;

Le ciel s’effare ; on dirait

Que la nature vivante

Devient songe et disparaît ;

Tout prend l’aspect et la forme

D’une horrible ébauche énorme

Ou d’un grand rêve détruit ;

Les ténèbres en décombres
Emplissent de leurs blocs sombres

L’antre immense de la nuit.

Ah ! n’est-ce pas, Dieu sublime,

Dieu qui fis l’arche et le pont,

Que tout naufrage est un crime

Et que quelqu’un en répond ?

S’il manque une seule tête,

Tu puniras la tempête ;

Tu sais, toi qui nous défends

Et qui fouilles les repaires,

Le compte de tous les pères,

Le nom de tous les enfants !

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