I CHANSON D’AUTREFOIS

Quelqu’un connaît-il ma cachette ?

C’est un lieu calme, où le ciel clair

En un jour de printemps rachète

Le mal qu’ont fait six mois d’hiver.

Il y coule des eaux charmantes ;

L’iris y naît dans les roseaux ;

Et le murmure des amantes

S’y mêle au babil des oiseaux.

Là vivent, dans les fleurs, des groupes

Épars, et parfois réunis,

Avec des chants au fond des coupes

Et le silence au fond des nids.

La grâce de cette ombre heureuse

Et de ce verdoyant coteau

Semble faite des pleurs de Greuze

Et du sourire de Watteau.

Paris dans les brumes se plonge ;

Et le cabaret de Régnier

Ne vaut pas une heure de songe

Sous les branches d’un châtaignier.

Les plus belles choses du rêve

Sont celles qu’admet l’antre frais,

Et que confusément achève

Le balancement des forêts.

Je comprends peu qu’on soit superbe

Et qu’il existe des méchants,

Puisqu’on peut se coucher dans l’herbe

Et qu’il fait clair de lune aux champs.

Toutes les fleurs sont un langage

Qui nous recommande l’amour,

Qui nous berce, et qui nous engage

À mettre dans nos cœurs le jour.

Les vagues robes brillantées,

Les seins blancs et les jeunes voix

Des Phyllis et les Galatées

Conseillent le rire et les bois.

28 octobre.