XX



Regardez : les enfants se sont assis en rond.
Leur mère est à coté, leur mère au jeune front
Qu’on prend pour une sœur aînée ;
Inquiète, au milieu de leurs jeux ingénus,
De sentir s’agiter leurs chiffres inconnus
Dans l’urne de la destinée.

Près d’elle naît leur rire et finissent leurs pleurs,
Et son cœur est si pur et si pareil aux leurs.
Et sa lumière est si choisie,
Qu’en passant à travers les rayons de ses jours,
La vie aux mille soins, laborieux et lourds,
Se transfigure en poésie !

Toujours elle les suit, veillant et regardant,
Soit que janvier rassemble au coin de l’âtre ardent
Leur joie aux plaisirs occupée ;
Soit qu’un doux vent de mai, qui ride le ruisseau,
Remue au-dessus d’eux les feuilles, vert monceau
D’où tombe une ombre découpée.
Parfois, lorsque, passant près d’eux, un indigent
Contemple avec envie un beau hochet d’argent
Que sa faim dévorante admire,
La mère est là ; pour faire, au nom du Dieu vivant,
Du hochet une aumône, un ange de l’enfant,
Il ne lui faut qu’un doux sourire !

Et moi qui, mère, enfants, les vois tous sous mes yeux,
Tandis qu’auprès de moi les petits sont joyeux

Comme des oiseaux sur les grèves,
Mon cœur gronde et bouillonne, et je sens lentement,
Couvercle soulevé par un flot écumant,
S’entr’ouvrir mon front plein de rêves.


12 juin 1837

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