I

Je vous aime, ô débris ! et surtout quand l’automne

Prolonge en vos échos sa plainte monotone.

Sous vos abris croulants je voudrais habiter,

Vieilles tours, que le temps l’une vers l’autre incline,

Et qui semblez de loin sur la haute colline,

Deux noirs géants prêts à lutter.

Lorsque, d’un pas rêveur foulant les grandes herbes,

Je monte jusqu’à vous, restes forts et superbes !

Je contemple longtemps vos créneaux meurtriers,

Et la tour octogone et ses briques rougies ;

Et mon œil, à travers vos brèches élargies,

Voit jouer des enfants où mouraient des guerriers.

Écartez de vos murs ceux que leur chute amuse !

Laissez le seul poëte y conduire sa muse,

Lui qui donne du moins une larme au vieux fort,

Et, si l’air froid des nuits sous vos arceaux murmure,

Croit qu’une ombre a froissé la gigantesque armure

D’Amaury, comte de Monfort.

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