I

 

Mes odes, c’est l’instant de déployer vos ailes.

Cherchez d’un même essor les voûtes immortelles ;

Le moment est propice… Allons !

La foudre en grondant vous éclaire,

Et la tempête populaire

Se livre au vol des aquilons.

Pour qui rêva longtemps le jour du sacrifice,

Oui, l’heure où vient l’orage est une heure propice ;

Mais moi, sous un ciel calme et pur,

Si j’avais, fortuné génie,

Dans la lumière et l’harmonie

Vu flotter vos robes d’azur ;

Si nul profanateur n’eût touché vos offrandes ;

Si nul reptile impur sur vos chastes guirlandes

N’eût traîné ses nœuds flétrissants ;

Si la terre, à votre passage,

N’eût exhalé d’autre nuage

Que la vapeur d’un doux encens ;

J’aurais béni la muse et chanté ma victoire.

J’aurais dit au poëte, élancé vers la gloire :

« Ô ruisseau ! qui cherches les mers,

Coule vers l’océan du monde

Sans craindre d’y mêler ton onde ;

Car ses flots ne sont pas amers. »

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