Je sortis seul après eux et je pris tristement et au hasard la route qui mène à la grotte du Pausilippe. Je franchis la grotte ; j’allai jusqu’au bord de la mer qui baigne la petite île de Nisida.
Du bord de la mer mes yeux se portèrent sur Procida, qu’on voit blanchir de là comme une écaille de tortue sur le bleu des vagues. Ma pensée se reporta naturellement sur cette île et sur ces jours de fête que j’y avais passés avec Graziella. Une inspiration m’y guidait. Je me souvins que la jeune fille avait là une amie presque de son âge, fille d’un pauvre habitant des chaumières voisines ; que cette jeune fille portait un costume particulier qui n’était pas celui de ses compagnes. Un jour que je l’interrogeais sur les motifs de cette différence dans ses habits, elle m’avait répondu qu’elle était religieuse, bien qu’elle demeurât libre chez ses parents dans une espèce d’état intermédiaire entre le cloître et la vie de famille. Elle me fit voir l’église de son monastère. Il y en avait plusieurs dans l’île, ainsi qu’à Ischia et dans les villages de la campagne de Naples.
La pensée me vint que Graziella, voulant se vouer à Dieu, serait peut-être allée se confier à cette amie et lui demander de lui ouvrir les portes de son monastère. Je ne m’étais pas donné le temps de réfléchir et j’étais déjà marchant à grands pas sur la route de Pouzzoles, ville la plus rapprochée de Procida où l’on trouve des barques.
J’arrivai à Pouzzoles en moins d’une heure. Je courus au port ; je payai double deux rameurs pour les déterminer à me jeter à Procida malgré la mer forte et la nuit tombante. Ils mirent leur barque à flot. Je saisis une paire de rames avec eux. Nous doublâmes avec peine le cap Misène. Deux heures après j’abordais l’île et je gravissais tout seul, tout essoufflé et tout tremblant, au milieu des ténèbres et aux coups du vent d’hiver les degrés de la longue rampe qui conduisait à la cabane d’Andréa.