IV

Cependant je me sentis si mal le lendemain que je cherchai dans ma mémoire de qui je pourrais attendre quelque secours, et quelque pitié si je venais à ne pas me relever. L’image de la pauvre famille du pêcheur de la Margellina, au milieu de laquelle je vivais encore en souvenir me revint naturellement à l’esprit. J’envoyai un enfant qui me servait chercher Andréa et lui dire que le plus jeune des deux étrangers était malade et demandait à le voir.

Quand l’enfant porta mon message, Andréa était en mer avec Beppino ; la grand-mère était occupée à vendre les poissons sur les quais de Chiaja. Graziella seule était à la maison avec ses petits frères. Elle prit à peine le temps de les confier à une voisine, de se vêtir de ses habits les plus neufs de Procitane, et elle suivit l’enfant qui lui montra la rue, le vieux couvent, et la précéda sur l’escalier.

J’entendis frapper doucement à la porte de ma chambre. La porte s’ouvrit comme poussée par une main invisible : j’aperçus Graziella. Elle jeta un cri de pitié en me voyant. Elle fit quelques pas en s’élançant vers mon lit ; puis, se retenant et s’arrêtant debout, les mains entrelacées et pendantes sur son tablier, la tête penchée sur l’épaule gauche dans l’attitude de la Pitié : « Comme il est pâle, se dit-elle tout bas ; et comment si peu de jours ont-ils pu lui changer à ce point le visage ! Et où est l’autre ? » dit-elle en se retournant et en cherchant des yeux mon compagnon ordinaire dans la chambre.

« Il est parti, lui dis-je, et je suis seul et inconnu à Naples.

– Parti ? dit-elle. En vous laissant seul et malade ainsi ? Il ne vous aimait donc pas ! Ah ! si j’avais été à sa place, je ne serais pas partie, moi ; et pourtant je ne suis pas votre frère, et je ne vous connais que depuis le jour de la tempête ! »

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