Elle s’assit sur une chaise au pied de mon lit, et nous causâmes un peu.
Le son de sa voix, la sérénité de ses yeux, l’abandon confiant et calme de son attitude, la naïveté de sa physionomie, l’accent à la fois saccadé et plaintif de ces femmes des îles, qui rappelle, comme dans l’Orient, le ton soumis de l’esclave dans les palpitations mêmes de l’amour, la mémoire enfin des belles journées de la cabane passées au soleil avec elle ; ces soleils de Procida qui me semblaient encore ruisseler de son front, de son corps et de ses pieds dans ma chambre morne ; tout cela, pendant que je la regardais et que je l’écoutais, m’enlevait tellement à ma langueur et à ma souffrance, que je me crus subitement guéri. Il me semblait qu’aussitôt qu’elle serait sortie j’allais me lever et marcher Cependant je me sentais si bien par sa présence que je prolongeais la conversation tant que je pouvais, et que je la retenais sous mille prétextes, de peur qu’elle ne s’en allât trop vite en emportant le bien-être que je ressentais.
Elle me servit une partie du jour sans crainte, sans réserve affectée, sans fausse pudeur comme une sœur qui sert son frère, sans penser qu’il est un homme. Elle alla m’acheter des oranges. Elle en mordait l’écorce avec ses belles dents pour en enlever la peau et pour en faire jaillir le jus dans mon verre en les pressant avec ses doigts. Elle détacha de son cou une petite médaille d’argent qui pendait par un cordon noir et se cachait dans sa poitrine. Elle l’attacha avec une épingle au rideau blanc de mon lit. Elle m’assura que je serais bientôt guéri par la vertu de la sainte image. Puis, le jour commençant à baisser, elle me quitta, non sans revenir vingt fois de la porte à mon lit pour s’informer de ce que je pourrais désirer encore et pour me faire des recommandations plus vives de prier bien dévotement l’image avant de m’endormir