I LE RÉCIT DE ROBERT DARVEL

Malgré l'impatience de Pitcher, qui bouillait de curiosité et avait grand-peine à se retenir de ne pas torturer son malade des mille questions qui bouillonnaient dans sa cervelle, il avait décidé que Robert Darvel ne fragmenterait pas en lambeaux de confidence le récit de ses impressions.

On attendait qu'il fût complètement remis, capable au besoin de parler une heure ou deux d'affilée, pour faire d'un seul coup la relation complète de sa sublime odyssée.

Jamais le temps ne parut si long à miss Alberte et à ses amis.

Robert Darvel lui-même, dont l'état s'améliorait rapidement, éprouvait une sorte de souffrance de ne pouvoir parler.

Une semaine ne s'était pas écoulée qu'il lui était devenu possible de se lever.

Il se risqua à descendre au jardin, appuyé au bras de Pitcher et de Georges.

Ce fut avec une volupté qui l'attendrit jusqu'aux larmes, qu'il respira l'air embaumé du parfum des myrtes, des citronniers, des jasmins, toute cette flore connue, qu'il retrouvait comme un ami qu'on croyait avoir perdu pour toujours.

Un seul parfum l'incommodait, paraissait même lui inspirer une sorte d'horreur, celui des lauriers-roses ; il fuyait leurs belles corolles claires avec la répulsion la plus vive.

Georges et miss Alberte ne s'en étonnèrent point, la sève du laurier-rose, surtout au printemps, est un poison d'autant plus actif que le climat est plus chaud. Une goutte de cette sève vénéneuse sur une écorchure récente peut devenir mortelle.

Seul, Pitcher, à l'imagination toujours en travail, déduisait de ce simple fait toutes sortes d'hypothèses, se figurant déjà la planète Mars couverte de forêts maudites, sous le feuillage desquelles on devait mourir comme sous l'ombrage fabuleux du mancenillier des légendes.

Avec plus d'intensité qu'un convalescent ordinaire, Robert jouissait de tous les petits plaisirs qui accompagnent le retour de la santé après une longue maladie ; n'était-il pas aussi un convalescent des espaces intersidéraux dont ses silences et ses rêveries gardaient encore le vertige ?

Au début, son estomac délabré n'acceptait qu'avec répugnance quelques cuillérées d'un velouté de volaille ; puis l'œuf à la coque et l'aile de perdreau, joie des malades guéris, lui furent permis ; les viandes saignantes, les vieux vins, dont la chaleur se dissimule sous des bouquets alanguis et reposés, achevèrent l'œuvre de réfection des tissus épuisés.

Maintenant Robert Darvel était redevenu à peu près tel que nous l'avons vu, à Londres, avant son départ pour l'Inde, en compagnie du brahme Ardavena ; c'est à peine si de rares cheveux blancs, quelques rides précoces près des prunelles bleues, toujours claires, trahissaient les fatigues d'une existence surhumaine ; il paraissait au premier aspect plus jeune que Pitcher, et même que Georges, momentanément défigurés par les brûlures de l'incendie.

Comme il le disait en riant, l'ingénieur se sentait parfaitement dispos, prêt à recommencer. Ce fut lui-même qui abrégea le délai fixé pour la relation, attendue avec tant d'impatience, de son exploration interastrale.

Il fut convenu qu'on se réunirait après le dîner dans le grand salon de la villa, dont la véranda dominait le superbe horizon de la forêt et de la mer lointaine.

La réunion, dès le début, prit un caractère de solennité qui n'était nullement de commande. Le silence, qui régna dès que Robert Darvel eut prit place dans le fauteuil d'honneur qui lui était réservé, était fait autant d'admiration que de curiosité.

Aux côtés de l'explorateur des astres avaient pris place Ralph Pitcher et Georges, en face d'eux miss Alberte, le visage rayonnant de bonheur. Derrière elle se tenait Mr Frymcock, auquel on n'avait pu refuser l'honneur de servir de sténographe au conférencier ; enfin le Noir Zarouk était appuyé au dossier du fauteuil de Pitcher et Chérifa s'était accroupie sur un coussin aux pieds de sa maîtresse.

Les corolles de pierres précieuses des lampes électriques perdues parmi les floraisons arabesques du plafond, jetaient une lueur douce et féerique sur ce groupe qu'on eût cru disposé par quelque artiste de génie.

– Mes amis, commença Robert au milieu de la plus profonde attention, préférez-vous que je reprenne la relation dès le début, ou que je la continue à partir du point où mes signaux ont été interrompus.

– Il n'y a pas à hésiter, répliqua vivement Pitcher, continuez !

« Vous avez dit vous-même que le récit publié par les journaux est suffisamment exact et nous le savons par cœur !…

« Il faut avoir pitié de notre curiosité qui, depuis quelques jours, est soumise à une rude épreuve.

– Soit… acquiesça l'ingénieur en souriant.

– Vous en étiez au moment où les chauves-souris humaines vous avaient fait prisonnier et transporté dans leur caverne.

Le visage de Robert avait pris une soudaine gravité, ses regards parurent un instant perdus dans l'infini des espaces.

– Ah ! oui, la caverne, murmura-t-il, il me semble encore voir ses hautes voûtes ténébreuses, soutenues par des milliers de stalactites. C'était une vision diabolique que ce noir intense, piqué de milliers d'yeux luisants, qui arrivaient à créer une sorte de pénombre comme un crépuscule louche et malsain, qui me permettait à peine d'apercevoir les fûts luisants des colonnes, les parois tapissées comme d'un hideux velours mortuaire par les ailes innombrables des monstres.

« Il s'exhalait de cette caverne une pestilence épouvantable, une odeur âcre de guano, mêlée à des relents de charnier ; certes, j'avais peur – et je ne suppose pas que personne à ma place se fût montré plus brave, – mais j'éprouvais encore plus de dégoût que de frayeur.

« J'étais à chaque instant frôlé par les hideuses ailes velues et membraneuses, qui me causaient une sensation de nausée invincible. Je me serais évanoui si l'excès même de ma terreur n'avait raidi mes nerfs.

« J'étais le centre d'un vol d'Erloors qui dardaient vers moi leurs prunelles de feu avec une curiosité féroce ; quelques-uns s'approchaient de si près que la fadeur écœurante de leur souffle passait sur mon visage.

« Blotti dans un angle du rocher, réduit à l'immobilité par le filet de fibres d'écorce qui m'emprisonnait, je m'attendais d'un instant à l'autre à être dévoré. Je ne me faisais là-dessus aucune illusion. Je savais que j'étais condamné d'avance.

« D'instant en instant, les Erloors, devenaient plus nombreux. Le nombre infini des astres, la multitude des lumières d'une grande capitale vue de la nacelle d'un ballon donneraient à peine l'idée de ce fourmillement d'yeux de flamme qui piquaient les ténèbres autour de moi, m'entouraient d'une affreuse auréole.

« Les monstres se poussaient, se bousculaient pour mieux me voir, avec, de temps en temps, des grognements de colère et des battements d'ailes éperdus.

« De nouveaux essaims venaient sans cesse se mêler aux premiers arrivants ; il en tombait de la voûte, il en montait du sol de la caverne.

« Les rondes du sabbat, les « tentations » des peintres hallucinés ne donneraient qu'une piètre idée de ce grouillement démoniaque, d'où partait maintenant un bourdonnement assourdissant, coupé de cris aigus, comme la rumeur d'une foule courroucée.

« Je frémis en songeant qu'ils se disputaient sans doute à qui me dévorerait, que j'allais peut-être être déchiré tout vivant par eux. Je n'ai jamais su l'objet de leur querelle ; mais, après une heure pendant laquelle je passai par toutes les affres de l'agonie, la hideuse cohue s'apaisa.

« Avec un grand claquement d'ailes, la caverne se désemplissait peu à peu, les prunelles scintillantes se faisaient moins nombreuses et s'écartaient de moi petit à petit.

« Bientôt, je fus plongé dans une obscurité si profonde qu'on eût pu la croire palpable comme celle dont parle la Bible.

« Si ce n'était pas le salut, c'était du moins un répit à mes angoisses.

« Je conjecturai avec assez de vraisemblance que les Erloors, animaux essentiellement nocturnes, étaient partis à la recherche de leur nourriture.

« La solitude où je me trouvais me procurait un immense soulagement.

« J'étais brisé de fatigue, j'avais faim ; un instant, je faillis me laisser aller au sommeil, le sentiment du péril me tint éveillé.

« Je réfléchis qu'il ne me serait peut-être pas impossible de réussir à user contre la paroi du roc basaltique les mailles dont j'étais enveloppé, et je me mis à l'œuvre immédiatement.

« C'était un labeur de patience, mais j'avais devant moi toute la nuit, et les fibres dont était tressé l'espèce d'épervier où je m'étais laissé prendre étaient loin d'être aussi résistantes que des cordelettes de notre chanvre terrestre.

« J'avais déjà réussi à dégager mon bras gauche lorsque je reçus sur le dos de la main un coup si rude et si douloureux que je ne pus retenir un cri. Ma main saignait, et tenez, je porte encore la trace des griffes de l'Erloor.

Robert Darvel étendit la main, où cinq cicatrices rougeâtres étaient encore nettement visibles.

– Je ne m'étais pas aperçu, continua-t-il, que derrière moi un de ces monstres, sans doute chargé de me surveiller, se tenait collé contre la muraille du rocher.

« En me retournant, je me trouvais pour ainsi dire nez à nez avec lui. Ses ardentes prunelles fouillant les miennes, il me fit comprendre par un grognement menaçant que j'eusse à cesser mes tentatives d'évasion.

« Je me le tins pour dit et demeurai coi tout le reste de la nuit. Je finis même par succomber à la fatigue et par m'endormir.

– Il me semble que la peur m'en aurait empêchée, murmura miss Alberte, avec un léger frisson.

– Aucune peur, aucun sentiment ne tiennent contre la fatigue arrivée à un certain degré. J'en ai eu maintes fois la preuve, et le fait souvent cité des artilleurs dormant sur leurs pièces, au milieu d'une bataille, ne me surprend nullement.

« Cependant, quand je me réveillai, la caverne était toujours plongée dans le même silence ; mais il me sembla qu'une pénombre crépusculaire avait remplacé la nuit ; les profils des stalactites et des stalagmites qui en formaient les piliers naturels se prolongeaient à l'infini, confuses architectures perdues dans une brume de ténèbres.

« Je ne pouvais discerner aucun détail ; c'était comme des eaux-fortes où sur un fond noir se détachent, si l'on regarde avec attention, des silhouettes plus noires éclairées par un rayonnement imperceptible de lumière diffuse.

« Mais, de tous les points de la nef souterraine, partait un grondement sourd, cadencé et soutenu, que je ne puis comparer qu'au ronronnement de certains moteurs.

« Je me demandai longtemps ce que cela pouvait être.

« Je finis par deviner que ce bruit singulier n'était autre que le ronflement des Erloors qui – le jour étant sans doute venu – avaient regagné leur repaire, après leur chasse nocturne, et dormaient, accrochés par leurs serres, aux aspérités de la paroi.

« J'eus la preuve que je ne me trompais pas, en constatant que le monstre qui m'avait griffé, avait, comme les autres, cédé au sommeil et ronflait bruyamment derrière moi.

« Ma fatigue avait à peu près disparu. Je me demandai si le sommeil de mes ennemis ne m'offrait pas une favorable occasion de renouveler ma tentative.

« Tout à coup, des ailes battirent, des yeux flamboyèrent, et je me sentis rudement tiré par les mailles du filet, en même temps une voix rauque me disait :

– Viens !

« Je reconnus l'Erloor que j'avais soigné, que j'avais apprivoisé et qui m'avait livré aux siens.

« J'étais arrivé à lui faire prononcer quelques mots de la langue des Martiens et à les lui faire comprendre à peu près tous.

– Où veux-tu me conduire ? lui demandai-je.

– Viens, répéta-t-il en battant des ailes avec impatience.

« Tout en parlant, il avait dégagé mes pieds du filet, de façon à me donner la possibilité de marcher, mais sans me délier les bras.

« Sous mes pas, je heurtais des débris d'ossements, des carcasses d'animaux ; parfois j'enfonçais jusqu'à mi-jambe dans une couche de guano entassée là depuis des siècles, et qui eût fait la fortune de plusieurs sociétés industrielles.

« Nous suivions un long couloir au bout duquel paraissait une tache de clarté pâle qui devait être le jour.

« Bientôt je distinguai mieux les parois luisantes et, comme je l'avais supposé au toucher, de nature basaltique.

« Mon guide ne volait pas, il sautillait lourdement à côté de moi, ses ailes traînaient à terre comme un manteau sale et je remarquai qu'à mesure que nous avancions vers la lumière, son geste devenait plus hésitant.

« Si folle que fut cette idée, je supposais qu'il se repentait de sa trahison et qu'il voulait me faciliter les moyens de m'évader.

– Où me mènes-tu ? demandai-je en prenant le ton d'autorité que j'employais en lui parlant quand il était mon prisonnier dans le village martien.

« Il leva sa patte griffue avec un geste apeuré pour me faire comprendre qu'il ne devait pas me répondre.

– Tu veux me tuer ? dis-je d'un ton très calme.

« Il secoua la tête négativement.

« Il me fut impossible d'en rien tirer. Il paraissait intimidé par ma mine résolue et pourtant bien décidé à ne pas me renseigner. Alors, où m'emmenait-il et pourquoi ?

« J'étais furieux.

– Je veux partir ! m'écriai-je, je t'ordonne de me conduire hors d'ici.

« Et d'un geste désespéré, je raidis les bras et je réussis à agrandir le trou pratiqué la veille dans les mailles. Alors il s'élança sur moi. Je lui allongeai de mon seul bras libre un terrible coup de poing dans la poitrine ; il trébucha, les pieds entortillés dans ses ailes.

« Une seconde je me crus vainqueur. Mais en tombant il avait eu l'adresse de saisir une des balles de pierre qui lestaient la base de l'épervier, il tira fortement à lui, je me vis plus étroitement resserré.

« Il eut un ricanement qui rendit plus hideuse encore sa hideuse face.

– C'est bien, dis-je froidement, puisque tu ne veux pas dire où tu m'emmènes, je n'avancerai plus.

« Je demeurai immobile : en dépit de tous ses efforts, il ne put me faire bouger d'un seul pas.

« Alors il me montra de sa griffe étendue l'extrémité de la galerie où apparaissait une clarté et prononça le mot « manger », un des premiers que je lui eusse appris à prononcer.

« J'avais enfin compris qu'il m'emmenait pour me donner quelque nourriture ; j'avais trop faim pour prolonger désormais la résistance ; je continuai donc à marcher docilement.

« D'ailleurs, je n'ai jamais su si, en agissant de la sorte, mon ex-prisonnier exécutait un ordre ou s'il obéissait à sa propre inspiration.

« Une vingtaine de pas encore et la clarté avait beaucoup augmenté. Je pouvais discerner le sol couvert d'une poussière d'ossements et de détritus d'animaux de toute espèce.

« L'Erloor dont cette lumière blessait cruellement la vue avançait de plus en plus lentement, ses paupières clignotaient, il faisait visiblement d'incroyables efforts pour aller jusqu'au bout.

« De mon côté, je l'entraînais à ma suite en le forçant à marcher le plus vite possible.

« Comme je l'avais prévu, il vint un moment où il me lâcha, à demi aveuglé, et s'arrêtant net, il cacha sa tête sous son aile membraneuse.

« Je poussai un cri de triomphe et me mis à courir de toute ma vitesse, sachant bien qu'en pleine lumière, il ne pourrait me poursuivre.

« Il ne l'essaya même pas ; il demeura accroupi sur le sol, la tête reployée sous ses ailes, dans une immobilité complète.

« Je ne m'arrêtai pas à chercher le pourquoi de cette attitude, j'avais des ailes aux talons, il me semblait que la lumière au-devant de laquelle je m'élançais versait en moi une bienfaisante vigueur.

« Je demeurai un instant éperdu de joie en apercevant en face de moi un coin de ciel bleu, comme encadré par les pilastres basaltiques. Jamais rosace de cathédrale aux tons éclatants et doux ne m'apparut plus magnifique que ce coin de ciel entrevu.

« Je précipitai encore ma fuite, j'atteignis la baie radieuse, respirant déjà, par avance, à pleins poumons, la vivifiante atmosphère de la liberté.

« Mais arrivé au seuil même du roc, j'éprouvais la plus amère des déconvenues.

« Ce que j'avais pris pour une issue vers la campagne n'était qu'une sorte de fenêtre percée dans le roc abrupt ; elle devait jouer pour les Erloors le même rôle que les trous d'un pigeonnier pour des oiseaux ordinaires.

« En me penchant avec précaution, je vis à mille pieds au-dessous de moi les eaux jaunes d'un fleuve torrentueux qui baignait la base de la montagne.

« Pour s'enfuir par là, il eût fallu avoir des ailes. J'étais si atterré, si désolé que des larmes me vinrent aux yeux. Je demeurai longtemps en proie à une vraie consternation, incapable de prendre une résolution.

« D'où je me trouvais, un somptueux panorama se déployait. Les forêts, vues de cette hauteur, apparaissaient comme une riche tapisserie bariolée des tons les plus éclatants du jaune vif, de l'orangé et de l'incarnat. L'horizon offrait les plis capricieux et les molles inclinaisons d'une étoffe de brocart drapée avec négligence.

« Une multitude d'oiseaux resplendissants tournaient dans le ciel ; ils semblaient comme la ponctuation vivante de cette page magnifique de la nature martienne.

« Dans les lointains, les éternelles montagnes rouges et roses, dentelées comme des « sierras ».

« Cette contemplation finit par apporter une diversion à ma pensée.

« Je me calmai. Je réfléchis que je n'avais sans doute rien de mieux à faire que de retourner vers l'Erloor, dont la conduite me semblait de moins en moins explicable.

« J'avais déjà fait, bien à regret, quelques pas pour rentrer dans la puante et ténébreuse caverne quand j'avisai une sorte de niche profonde, placée à gauche de la baie et que je n'avais pas remarquée tout d'abord.

« Là il y avait un plat de bois couvert de fruits, une tranche de viande grillée, plusieurs de ces bivalves triangulaires que j'avais pêchés à mon arrivée dans la planète, enfin un échantillon de la plupart des aliments que l'Erloor m'avait vu manger dans le village martien.

« Un bol d'écorce rempli d'eau complétait ce festin auquel ma fringale, qui commençait à tourner à la boulimie, s'empressa de faire honneur.

« Une fois restauré, j'envisageai les choses sous un angle beaucoup plus favorable, j'étais disposé à l'optimisme.

« Il me parut évident que les Erloors n'en voulaient pas à ma vie et qu'ils avaient sur moi quelque dessein que je ne pouvais deviner.

« Je résolus, en conséquence, de montrer toute la docilité imaginable, en attendant que j'eusse combiné un plan de fuite dont j'entrevoyais déjà l'idée.

« Je n'avais ni le temps ni les matériaux nécessaires pour tresser une corde assez longue pour atteindre la surface du fleuve ; mais je songeai au parachute.

« L'épervier qui tenait mes bras captifs me fournirait les cordages, et pour l'étoffe les vêtements fourrés de plume dont j'étais habillé devaient m'offrir une surface suffisante.

« Je m'attacherais cet appareil aux épaules et je me jetterais dans le fleuve qu'il serait facile de traverser à la nage.

« Je restai longtemps assis devant l'embrasure, faisant, pour ainsi dire, provision d'air pur et de soleil avant de réintégrer mon infecte prison.

« Comme je me retournais pour jeter un dernier regard sur le radieux horizon, je vis tout à coup dans le lointain une mince colonne de fumée bleue qui montait d'entre les arbres.

« Je ne saurais dire combien je fus ému, quels espoirs insensés entrèrent dans mon âme à ce spectacle.

« Le léger panache qui montait droit dans l'air calme m'apparut comme le symbole et comme le signe de ma prochaine délivrance.

« Il n'y avait que les bons Martiens, mes sujets, qui connussent l'usage du feu, qui causait aux Erloors une si grande épouvante.

« Je supposai qu'on s'était mis à ma recherche ; les battements de mon cœur devinrent plus rapides en songeant que je n'étais séparé que par quelques lieues de ces amis dévoués.

« je ne pouvais m'arracher de cette contemplation ; il me fallut un réel courage pour me décider à me replonger dans les ténèbres de la galerie.

« Je retrouvai l'Erloor à la place où je l'avais laissé.

« Silencieusement, il me ramena à l'endroit où il m'avait pris.

« Je passai le restant de l'interminable journée, partie à dormir, partie à rêvasser.

« Avec la nuit, les Erloors sortirent de leur torpeur ; la caverne, comme la veille, se remplit de battements d'ailes, des prunelles de flamme étincelèrent ; mais je remarquai qu'on faisait beaucoup moins attention à moi.

« Bien que je fusse toujours surveillé par l'Erloor qui m'avait fait sentir sa griffe, je n'excitais plus la curiosité générale. J'en augurai bien pour mes projets d'évasion.

« Alors commença pour moi une existence d'une monotonie effrayante.

« Chaque matin, mon Erloor venait me conduire jusqu'à l'embrasure du rocher, où ma nourriture se trouvait toujours exactement déposée.

« Je pouvais, tant que je voulais, respirer et regarder la campagne jusqu'à ce que je fusse ramené dans la caverne.

« À mon grand désespoir, je n'aperçus plus, le second jour, la colonne de fumée qui avait éveillé en moi tant d'espérances.

« Je m'encourageai alors à mettre en exécution mon idée de parachute ; j'avais eu soin de mettre de côté quelques-unes des coquilles pointues de bivalves dont j'ai parlé ; je comptais m'en servir comme de lames pour trancher les fibres du filet.

« Enfin, j'avais réfléchi, qu'en raison de la diminution de la pesanteur des objets à la surface de Mars, je n'aurais besoin que d'une quantité d'étoffe beaucoup moindre que s'il s'était agi de construire un parachute sur la Terre.

« Malheureusement, en dépit de l'apparente liberté dont je jouissais à l'heure de mon repas, j'étais si étroitement surveillé qu'une semaine entière s'écoula sans que je puisse rien tenter.

« Le désespoir me gagnait, mon énergie s'effritait lentement et je sentais que l'air vicié de cette abominable caverne ne tarderait pas à me rendre malade.

« Les Erloors, auxquels j'avais d'abord supposé une sorte de civilisation, m'apparaissaient, maintenant que je les voyais de près, comme des brutes sanguinaires dont toute l'intelligence était tournée vers le carnage.

« La seule industrie que je leur aie vue était celle de tresser des filets d'écorce pareils à celui où ils m'avaient capturé et qui devaient leur servir dans leurs chasses nocturnes ; mais cet art paraissait chez eux aussi instinctif, aussi inconscient que l'est pour l'araignée la fabrication de sa toile.

« Leurs filets avaient toujours la même dimension et leurs mailles le même écartement.

« C'étaient les vieux Erloors incapables de voler qui se livraient à ce travail, pour lequel ils employaient la seconde écorce d'un arbre qui ressemblait au bouleau.

« Je me suis toujours demandé pourquoi des animaux si formidablement armés d'ailes et de griffes avaient besoin de tels filets, et j'ai supposé que, dans les moments de disette où le gibier terrestre manquait, ils devaient s'en servir pour pêcher les mammifères amphibies et même les poissons qui pullulent dans les canaux de Mars.

« Mes yeux s'étaient peu à peu accommodés à l'obscurité de la caverne ; pendant le sommeil des Erloors, je me hasardai une fois ou deux dans ses couloirs tortueux.

« Elle était plus vaste encore que je n'aurais pu l'imaginer ; elle se ramifiait jusqu'à des profondeurs où je n'osai pas m'aventurer.

« Je m'étais toujours demandé d'où venait cette quantité d'ossements qui couvrait le sol, je finis par en avoir l'explication.

« Dans un renfoncement élevé, je me trouvai tout à coup en présence d'une quantité prodigieuse de cadavres desséchés d'Erloors ; il y en avait des milliers, et il avait sans doute fallu des siècles pour produire cette formidable accumulation.

« Rien d'ailleurs n'était plus hideux que cette espèce de cimetière où les masques grimaçants, les squelettes et les ailes desséchées étaient entassés en désordre.

« Par les cadavres les plus récents, je pus me convaincre que les Erloors, comme certains sauvages, s'empressaient de mettre à mort et de dévorer les vieillards devenus incapables de tresser des filets.

« Tous portaient les marques évidentes qu'ils avaient été saignés par leurs congénères plus robustes.

« Je m'écartai avec horreur de cet antre de putréfaction d'où provenait en grande partie l'odeur pestilentielle qui infectait toute la caverne.

« Si les Erloors se montraient féroces pour les vieillards, ils avaient au contraire beaucoup de tendresse pour les nouveaux-nés.

« Un lit formé de lianes souples et résistantes, enroulées sur elles-mêmes, et intérieurement garni de moelleux duvet, les abritait jusqu'à ce qu'ils fussent capables de prendre leur vol.

« Je vis des mères Erloor allaiter leurs petits généralement au nombre de deux, en les abritant sous leurs ailes, comme sous un manteau, avec des câlineries hideuses.

« Un compartiment de la caverne était rempli de ces nids dispersés dans les anfractuosités du rocher.

« Ces explorations d'ailleurs ne m'apprirent rien qui pût être utile à ma fuite.

« Je découvris bien quelques autres issues pareilles à celle où j'allais une fois par jour manger et respirer ; mais toutes étaient percées à une hauteur inaccessible.

« Au milieu des épreuves que j'ai eu depuis à supporter, je ne crois guère avoir passé une semaine de plus lugubre façon.

« Je sentais l'hypocondrie me gagner peu à peu. Je me demandais avec désespoir si j'étais destiné à passer le restant de mes jours dans cette sinistre nécropole, où je me faisais l'effet d'un homme enterré vivant.

« Une préoccupation était venue s'ajouter à mes autres tourments.

« Je ne pouvais m'empêcher de penser au triste sort qui attendait mes anciens sujets, les Martiens des lagunes, maintenant que je n'étais plus là pour les défendre et les diriger.

« Nouveau Prométhée, je leur avais bien donné le feu, cadeau inappréciable ; mais j'étais sur que ces créatures naïves se laisseraient aller à la négligence, s'enhardiraient dans les apparences de la sécurité et finiraient par être victimes de la férocité de leurs ennemis.

« Je les voyais par avance déchirés sous les griffes des Erloors, saignés tout vifs par les monstres dévorateurs ; et cela me fendait le cœur de songer au triste sort réservé à ces êtres si bons et si candides.

« Je me rendis compte alors de la conduite des Erloors à mon égard.

« Leur intention n'était pas, comme j'avais eu tout d'abord la fatuité de le supposer, de se civiliser par mes enseignements, de s'approprier les inventions dont j'avais doté leurs adversaires et leurs victimes.

« Ils me gardaient simplement comme un otage qui pouvait être précieux par la suite. Avec leur ruse innée, ils avaient bien deviné que, dès que je ne serais plus là, les Martiens seraient à leur merci, redeviendraient pour eux le docile troupeau qu'ils dévoraient à loisir avant mon arrivée.

« En pensant à tout cela, j'eus un accès de colère, une révolte contre moi-même et contre les choses qui m'arracha à la torpeur neurasthénique qui me gagnait.

« Un homme qui avait accompli des choses aussi merveilleuses allait-il devenir le jouet de ces créatures viles et féroces ? Cela, je ne le voulais pas.

« Je jurai de triompher ou de périr et, sans attendre le lendemain, je me mis à l'œuvre.

« Un des obstacles qui m'avaient arrêté dans la construction de mon parachute, c'était le manque de cerceaux ou de baguettes pour soutenir les rebords de l'étoffe et pour la maintenir.

« Je songeai tout à coup que les lianes flexibles dont étaient formés les nids des Erloors rempliraient parfaitement cet usage.

« J'allai immédiatement en chercher une provision, et j'eus la prudence de ne dépouiller que de vieux nids abandonnés depuis longtemps.

« J'ai oublié de dire que les jours précédents j'avais si bien rongé les mailles de l'épervier, à l'aide du coquillage tranchant dont j'ai parlé, qu'il s'en allait par lambeaux et qu'il ne gênait plus mes mouvements ; je m'étais débarrassé par le même moyen des balles de pierre qui le lestaient.

« Je m'étais mis au travail au commencement de la nuit, un peu après le coucher du soleil. J'espérais avoir terminé avant le retour des Erloors, tous partis pour leur nocturne curée.

« Celui qui m'avait servi de geôlier les premières nuits s'en était allé avec les autres, me jugeant sans doute suffisamment habitué à ma prison.

« Jamais occasion ne pouvait être plus favorable.

« Malheureusement, je n'avais d'autres outils que mes coquilles, et ma main blessée me faisait beaucoup souffrir. Ce fut à grand-peine que j'achevai une sorte de parasol grossier et sans manche, percé d'un trou au centre.

« Ce travail, tout imparfait qu'il était, m'avait pris toute la nuit, et l'aube n'était pas loin de paraître quand il fut enfin terminé.

« Les Erloors commençaient déjà à rentrer par bandes, la caverne s'emplissait du bruit mou de leurs ailes flasques et de l'odeur fauve de leurs corps, pareille au relent d'une ménagerie foraine.

« Il me fallait maintenant attendre le jour.

« Je me tapis dans mon anfractuosité, brûlant d'impatience.

« Une demi-heure s'écoula. Le gros de la troupe était rentré ; je ne voyais plus passer devant moi que des individus isolés, des traînards qui se hâtaient lourdement devant l'imminente arrivée du jour.

« Enfin je n'en vis plus aucun ; la tonitruante des ronflements m'apprit que les monstres étaient retombés dans leur quotidienne torpeur.

« C'était l'heure indécise où les ténèbres commencent à pâlir. J'étais tellement énervé par cette nuit d'anxieux labeur que je n'eus pas la patience d'attendre que le soleil fût levé ; je me précipitai vers l'embrasure du roc, traînant derrière moi mon appareil.

« De mon observatoire aérien, je voyais le ciel sombre barré d'une mince ligne pâle qui était l'aube naissante ; une fraîcheur montait du fleuve que j'entendais rouler ses eaux tumultueuses au pied de la montagne.

« Avec bonheur, je respirai à pleins poumons cet air pur et glacial.

« Le moment était venu : je vérifiai une dernière fois les courroies de mon parachute, je me l'attachai aux épaules et je sautai dans le vide en fermant les yeux…

« Je n'eus pas le temps de franchir le tiers même de la hauteur.

« Une masse sombre passa rapidement devant mes yeux : je me sentis happé au vol et enlevé en l'air comme peut l'être un pigeon par un épervier.

« La malchance avait voulu que je fusse aperçu par un Erloor demeuré en arrière des autres, dernier traînard de la bande.

« Je regrettai alors amèrement mon impatience ; l'Erloor m'avait saisi à bras le corps, et j'étais à demi étouffé contre le fétide pelage de l'animal.

« La sensation était atroce. Je sentais, aux pénibles battements d'ailes de mon ravisseur, à son souffle rauque et haletant que mon poids, joint à celui de mon appareil, était presque trop lourd pour ses forces.

« Avec cette lucidité que donne quelquefois l'imminence du danger, je calculais qu'il allait peut-être me laisser tomber du haut des airs.

« Un moment, il redescendit entraîné par sa pesanteur. Je voyais grandir la tache blanche du jour à l'horizon. Je pouvais encore être sauvé ; l'eau du fleuve amortirait ma chute.

« Mais le monstre s'acharna, ses ailes claquèrent furieusement ; d'un suprême élan, il me déposa pantelant à demi mort sur le rebord de l'embrasure d'où j'étais parti.

« Alors, pour m'enlever tout moyen et tout espoir d'une nouvelle fuite, il se mit à déchiqueter à coups de griffes mon pauvre appareil qui, tout rudimentaire qu'il était, m'avait coûté tant de mal.

« Puis il m'entraîna brutalement dans l'intérieur de la caverne, tout en faisant entendre une sorte de sifflement aigu, qui était sans doute sa façon à lui de célébrer sa victoire.

« Je me retrouvais ramené à la même place où j'avais été attaché le premier jour.

« Arrivé là, mon vainqueur poussa un cri strident qui eut pour effet de tirer de leur sommeil la multitude endormie des Erloors.

« De nouveau, des milliers de prunelles ardentes se fixèrent sur moi. Je fus entouré d'un grouillement de monstres. Mais, cette fois, ce n'était pas la simple curiosité qui les poussait ; leurs gestes, leurs grognements rauques étaient autant de menaces à mon adresse.

« Ils me bousculaient, ils posaient leurs griffes sur mon visage, j'étais le but de leurs huées et de leurs insultes ; comme un Indien cloué au poteau de supplice, je m'attendais à être déchiqueté, torturé de mille façons.

« C'est à ce moment que j'éprouvai un évanouissement passager, une sorte d'hallucination. Au moment où le plus acharné des Erloors se ruait vers moi les griffes en avant, il me sembla que ma volonté, ma conscience m'échappaient.

« Tout s'embruma. Je me vis tout à coup transporté sur la terre dans une étrange salle de pagode indienne et j'aperçus confusément miss Alberte à côté de personnages qui m'étaient inconnus…

– Parbleu, interrompit triomphalement Ralph Pitcher, c'est ce jour-là sans nul doute que le pauvre capitaine Wad vous fit évoquer par un yogi nommé Phara Chibh.

« Vous vous êtes tout simplement dématérialisé, comme disent les occultistes, et nous vous avons vus distinctement – car j'étais là – vous et l'Erloor qui vous menaçait.

– Je ne discute pas le fait, reprit Robert Darvel redevenu pensif, je raconte simplement.

« Cet état singulier ne dura d'ailleurs que quelques secondes ; avec la rapidité de l'éclair, je repris conscience de ma terrible situation.

« Au milieu de ce cercle de prunelles flamboyantes et de griffes acérées, je sentis que j'étais perdu.

« Déjà ils ne se bornaient plus aux menaces. Quelques-uns m'élevaient à quelques pieds en l'air et se faisaient un jeu de me laisser tomber lourdement sur les ossements qui couvraient le sol de la caverne, d'autres me tiraillaient par les bras et les jambes comme s'ils eussent voulu m'écarteler. Il y en eut un qui m'enleva par les cheveux, comme pour railler ma tentative d'évasion. J'étais comparable à l'ermite légendaire tourmenté et bafoué par les diables ; mais je sentais bien que ces jeux de fauves n'étaient que le prélude de mon supplice… Les Erloors jouaient avec moi comme le chat joue avec la souris.

« Déjà un coup de griffe m'avait déchiré l'épaule. J'étais couvert de sang, à demi aveuglé. J'aurais voulu être mort, en avoir fini tout de suite…

« Pour la dixième fois peut-être, je venais de rouler à terre à demi assommé, au milieu des cris aigus et des grognements de joie des monstres, lorsqu'une grande clameur partit du fond de la caverne.

« En même temps, une lueur rougeâtre grandissait.

« Les Erloors m'abandonnèrent, précipitamment en poussant des hurlements d'épouvante… Ils tourbillonnaient comme un vol de feuilles mortes, éperdus, ne trouvant pour fuir le danger inattendu que les galeries qui les eussent menés vers le jour aveuglant.

« Devant cette intervention inattendue, inexplicable, j'avais repris force et courage. Je m'armai d'un fémur trouvé à terre et marchai vers la clarté rouge, en frappant avec cette massue improvisée sur tout ce qui me barrait le passage.

« Mais un cri de joie délirante s'échappa de ma poitrine, quand je reconnus, à la lueur des torches qu'ils brandissaient, une vingtaine de mes sujets Martiens, guidés par la fidèle Eeeoys.

« Ils m'avaient suivi, pour me sauver malgré moi, et ils avaient réussi à connaître ma retraite et venaient me délivrer, ce qui était de la part de ces êtres timides un grand courage.

« À ma vue, ils poussèrent mille acclamations, mais il n'y avait pas une minute à perdre. Si la lumière, notre arme la plus efficace, disparaissait, nous étions perdus, et déjà plusieurs torches avaient été éteintes par les coups d'ailes furieux des Erloors.

« D'après mes ordres, on entassa rapidement au milieu de la caverne les nids de liane tressée, et on y mit le feu. Une flamme claire monta, illuminant les plus secrètes profondeurs.

« Le feu, symbole de l'Esprit qui dompte la matière, triomphait.

« Les Erloors venaient tomber d'eux-mêmes dans la flamme comme un vol de gigantesques noctuelles, et tous ceux qui tombaient étaient assommés ou égorgés sans pitié par les Martiens.

« Le spectacle était effrayant et grandiose. On eût dit quelque terrifiante page de l'Apocalypse, interprétée par un peintre sublime. Les hautes colonnes de basalte dorées par la flamme faisaient un fond sévère approprié à cette scène de carnage. Le sang qui coulait en ruisseau reflétait le rougeoiement de l'incendie, une brume de vapeur rousse et dorée enveloppait le tourbillon démoniaque d'où s'élevaient des hurlements à glacer les moelles…

« Enfin, nous partîmes. La fumée empuantie rendait la position intenable et le sang menaçait d'éteindre le feu.

« Pour sortir, nous suivîmes une longue galerie que je ne connaissais pas et qui paraissait tout récemment creusée…

À cet endroit de sa relation, Robert Darvel demanda la permission de se reposer quelques instants ; mais l'impression produite sur ses auditeurs avait été telle que personne ne rompit le silence.

Après avoir trempé ses lèvres dans un sorbet que lui offrit Chérifa, l'explorateur du ciel reprit le cours de son récit.

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