Une nuit de calme sur la mer équatoriale. Un absolu de silence, au milieu duquel les plus légers frôlements de voiles deviennent perceptibles ; – de temps à autre, sur le pont, on entend gémir quelque négresse qui rêve ; les voix humaines vibrent avec des sons effrayants.
Une tiède torpeur des choses. Dans l’atmosphère, les immobilités stupéfiantes du sommeil d’un monde.
Un immense miroir reflétant de la nuit, de la transparence chaude ; – une mer laiteuse pleine de phosphore.
On dirait qu’on est entre deux miroirs qui se regardent, et se reflètent l’un l’autre sans fin ; on dirait qu’on est dans le vide : il n’y a plus d’horizon. Au loin, les deux nappes se mêlent, tout est fondu, le ciel et les eaux, dans des profondeurs cosmiques, vagues, infinies.
Et la lune est là, très basse, – comme un gros rond de feu rouge sans rayons, en suspension au milieu d’un monde de vapeurs d’un gris de lin pâle et phosphorescent.
Aux premiers âges géologiques, avant que le jour fût séparé des ténèbres, les choses devaient avoir, de ces tranquillités d’attente.
Les repos entre les créations devaient avoir de ces immobilités inexprimables, – aux époques où les mondes n’étaient pas condensés, où la lumière était diffuse et indéfinie dans l’air, où les nues suspendues étaient du plomb et du fer incréés, où toute l’éternelle matière était sublimée par l’intense chaleur des chaos primitifs.
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