Jamais à Gadiangué on n’avait une sensation de fraîcheur ni de bien-être ; même plus de nuits fraîches, comme au Sénégal les nuits d’hiver.
Dès le matin, sous ces verdures admirables, même température lourde et mortelle ; dès le matin, avant le lever du soleil, dans ces forêts habitées par les singes tapageurs, les perroquets verts, les colibris rares ; dans ces sentiers pleins d’ombre, dans ces hautes herbes mouillées où glissaient des serpents, toujours, toujours, à toute heure et partout, même chaleur d’étuve, humide, accablante, empoisonnée… Les lourdeurs chaudes de l’équateur concentrées toutes les nuits sous le feuillage des grands arbres, et, partout, la fièvre dans l’air…
Au bout de trois mois, comme on l’avait prévu, le pays était calmé. La guerre, les égorgements noirs étaient finis. Les caravanes recommençaient à passer, apportant à Gadiangué, du fond de l’Afrique, l’or, l’ivoire, les plumes, tous les produits du Soudan et de la Guinée intérieure.
Et, l’ordre ayant été donné de faire rentrer les renforts, un navire vint attendre les spahis à l’entrée du fleuve pour les ramener au Sénégal.
Hélas ! ils n’étaient plus tous là, les pauvres spahis ! Sur douze qui étaient partis, deux manquaient à l’appel du retour ; deux étaient couchés dans la terre chaude de Gadiangué, emportés par la fièvre.
Mais l’heure de Jean n’était pas venue, et, un jour, il refit en sens inverse la route qu’il avait parcourue trois mois auparavant dans le canot de Samba-Boubou.