IX

Cora aussi l’aimait ; mais le cœur avait peu de part dans cet amour-là.

Mulâtresse de Bourbon, elle avait été élevée dans l’oisiveté sensuelle et le luxe des créoles riches, mais tenue à l’écart par les femmes blanches, avec un impitoyable dédain, repoussée partout comme fille de couleur. Le même préjugé de race l’avait suivie à Saint-Louis, bien qu’elle fût la femme d’un des plus considérables traitants du fleuve ; on la laissait de côté, comme une créature de rebut.

A Paris, elle avait eu nombre d’amants très raffinés : sa fortune lui avait permis de faire en France une figure convenable, de goûter au vice élégant et comme il faut.

A présent, elle avait assez des fines mains gantées, des airs étiolés des dandys, des mines romanesques et fatiguées. Elle avait pris Jean parce qu’il était large et fort ; elle aimait à sa façon cette belle plante inculte ; elle aimait ses manières rudes et naïves, et jusqu’à la grosse toile de sa chemise de soldat.

Share on Twitter Share on Facebook