La convalescence ne fut pas longue. Une fois la fièvre passée, la jeunesse et la force eurent bientôt fait de reprendre le dessus. Mais c’est égal, il ne pouvait pas oublier, le pauvre Jean, et il souffrait bien. Il avait par instants dans sa tête des désespoirs fous, des idées de vengeance presque sauvages ; et puis cela tombait vite, et il se disait ensuite qu’il serait capable de passer par toutes les humiliations qu’elle voudrait, pour la revoir et la posséder comme autrefois.
Son nouvel ami, l’officier de marine, revenait de temps en temps s’asseoir auprès de son lit. Il lui parlait un peu comme on parle à un enfant malade, bien qu’il fût à peine de son âge.
– Jean, dit-il un jour très doucement… Jean, vous savez, cette femme… si cela peut vous calmer, que je vous le dise, je vous donne ma parole d’honneur que je ne l’ai pas revue… depuis cette nuit que vous vous rappelez. Il y a bien des choses, voyez-vous, que vous ne savez pas encore, mon cher Jean ; plus tard, vous comprendrez, vous aussi, qu’il ne faut pas se faire autant de chagrin pour si peu. – D’ailleurs pour ce qui est de cette femme, je veux vous faire aussi le serment de ne la revoir jamais…
Ce fut entre eux la seule allusion faite à Cora, et cette promesse, en effet, calma Jean.
Oh ! oui, il comprenait bien maintenant, le pauvre spahi, qu’il devait y avoir beaucoup de choses qu’il ne savait pas encore ; qu’il devait y avoir, – à l’usage sans doute des gens d’un monde plus avancé que le sien, – des perversités tranquilles et raffinées qui dépassaient son imagination. Peu à peu pourtant il se mettait à aimer cet ami qu’il ne pouvait comprendre, – qui était doux après avoir été cynique, – qui envisageait toute chose avec un calme, une aisance inexplicables, et qui venait lui offrir sa protection d’officier comme compensation des angoisses qu’il lui avait causées.
Mais lui n’avait que faire des protections ; ni l’avancement ni rien ne le touchait plus ; son cœur, encore bien jeune, était tout rempli de l’amertume de ce premier désespoir.
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