On se mariait beaucoup, à ce printemps. – Souvent, le soir, pendant ces nuits énervantes de juin, Jean rencontrait de ces cortèges de noces, qui s’en allaient défilant sur le sable en longues processions fantastiques ; – tout ce monde, chantait, et le concert de toutes ces voix de fausset simiesques était accompagné à contretemps par des battements de mains et des coups de tam-tam. – Ces chants, cette gaîté nègre avaient quelque chose de lourdement voluptueux et de bestialement sensuel.
Jean visitait souvent à Guet-n’dar son ami Nyaor, – et ces scènes d’intérieur yolof, de vie en commun, le troublaient aussi… Comme il se sentait seul, lui, isolé de ses semblables sur cette terre maudite !… Il songeait à celle qu’il aimait d’un chaste amour d’enfance, à Jeanne Méry… Hélas ! – six mois seulement qu’il était en Afrique !… Attendre encore plus de quatre années avant de la revoir !… Il commençait à se dire que le courage lui manquerait peut-être pour continuer de vivre seul, que bientôt à toutes forces il lui faudrait quelqu’un pour l’aider à passer son temps d’exil… Mais qui ?…
Fatou-gaye peut-être ?… Allons donc !… Quelle profanation de lui-même !… Et puis ressembler à ses camarades, les clients de la vieille Virginie !… Violer comme eux des petites filles noires ! – Il avait une sorte de dignité, de pudeur instinctive, lui, qui l’avait préservé jusque-là de ces entraînements de sensualité pervertie ; – jamais il ne pourrait descendre aussi bas.