APOTHÉOSE
C’est d’abord comme un gémissement lointain, parti de l’extrême horizon du désert ; – puis le concert lugubre se rapproche dans l’obscurité transparente : glapissements tristes de chacals, miaulements aigus d’hyènes et de chats-tigres.
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Pauvre mère, pauvre vieille femme !… Cette forme humaine qu’on voit vaguement dans l’ombre, – qui est là étendue, au milieu de cette solitude, la bouche ouverte sous le ciel tout semé d’étoiles, – qui dort là à l’heure où s’éveillent les bêtes fauves, – et qui ne se relèvera plus, – pauvre mère, pauvre vieille femme !… ce cadavre abandonné, – c’est votre fils !…
– Jean !… entre dans la ronde !
La bande affamée arrive doucement dans la nuit, frôlant les halliers, rampant sous les hautes herbes ; – à la lueur des étoiles, elle entame les corps des jeunes hommes, et commence le repas voulu par l’aveugle nature : – tout ce qui vit se repaît, sous une forme ou sous une autre, de ce qui est mort.
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L’homme, dans sa main endormie, tient toujours sa médaille ; – la femme, son grigri de cuir… Veillez bien sur eux, ô précieuses amulettes.
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Demain, de grands vautours chauves continueront l’œuvre de destruction, – et leurs os traîneront sur le sable, éparpillés par toutes les bêtes du désert, – et leurs crânes blanchiront au soleil, fouillés par le vent et par les sauterelles.
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Vieux parents au coin du feu, – vieux parents dans la chaumière, – père courbé par les ans, qui rêvez à votre fils, au beau jeune homme en veste rouge, – vieille mère qui priez le soir pour l’absent, – vieux parents, – attendez votre fils, – attendez le spahi !…
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