LV

Dans ma chambre de bord, un soir, au large, au milieu de la mer Jaune, je regarde par hasard les lotus rapportés de Diou-djen-dji ; ils avaient résisté pendant deux ou trois jours ; à présent ils sont finis, pitoyables, semant sur mon tapis leurs pétales roses.

Moi qui ai conservé tant de fleurs fanées, tombées en poussière, que j’avais prises, çà et là, au moment des départs, dans différents lieux du monde ; moi qui en ai tant conservé que cela tourne à l’herbier, à la collection incohérente et ridicule, – j’ai beau faire, non, je ne tiens point à ces lotus, bien qu’ils soient les derniers souvenirs vivants de mon été à Nagasaki.

Je les prends à la main, avec quelques égards toutefois, et j’ouvre mon sabord.

Une lueur livide tombe sur les eaux, d’un ciel brumeux ; une espèce de crépuscule terne et morne descend, jaunâtre sur cette mer Jaune. – On sent que nous avons couru vers le nord et que l’automne approche…

Je les jette, ces pauvres lotus, dans l’étendue indéfinie, – en leur faisant mes excuses de leur donner une sépulture si triste et si grande, à eux qui étaient Japonais…

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