CHAPITRE II

Tandis que je faisais ces réflexions, et tout en me glorifiant d'un plan de voyage bien combiné, le temps s'écoulait, et mon domestique ne revenait point. C'était un homme que la nécessité m'avait fait prendre à mon service depuis quelques semaines et sur la fidélité duquel j'avais conçu des soupçons. L'idée qu'il pouvait m'avoir emporté ma valise s'était à peine présentée à moi que je courus à l'auberge : il était temps. Comme je tournais le coin de la rue où se trouve l'hôtel de la Bonne Femme, je le vis sortir précipitamment de la porte, précédé d'un portefaix chargé de ma valise. Il s'était chargé lui-même de ma cassette ; et, au lieu de tourner de mon côté, il s'acheminait à gauche dans une direction opposée à celle qu'il devait tenir. Son intention devenait manifeste. Je le joignis aisément, et, sans rien lui dire, je marchai quelque temps à côté de lui avant qu'il s'en aperçût. Si l'on voulait peindre l'expression de l'étonnement et de l'effroi portée au plus haut degré sur la figure humaine, il en aurait été le modèle parfait lorsqu'il me vit à ses côtés. J'eus tout le loisir d'en faire l'étude ; car il était si déconcerté de mon apparition inattendue et du sérieux avec lequel je le regardais qu'il continua de marcher quelque temps avec moi sans proférer une parole, comme si nous avions été à la promenade ensemble. Enfin, il balbutia le prétexte d'une affaire dans la rue Grand-Doire ; mais je le remis dans le bon chemin, et nous revînmes à la maison, où je le congédiai.

Ce fut alors seulement que je me proposai de faire un nouveau voyage dans ma chambre pendant la dernière nuit que je devais y passer, et je m'occupai à l'instant même des préparatifs.

Share on Twitter Share on Facebook