CHAPITRE XII

J'étais au lit depuis un quart d'heure, et, contre mon ordinaire, je ne dormais point encore. A l'idée de mon épître dédicatoire avaient succédé les réflexions les plus tristes ; ma lumière, qui tirait vers sa fin, ne jetait plus qu'une lueur inconstante et lugubre du fond de la bobèche, et ma chambre avait l'air d'un tombeau. Un coup de vent ouvrit tout à coup la fenêtre, éteignit ma bougie, et ferma la porte avec violence. La teinte noire de mes pensées s'accrut avec l'obscurité.

Tous mes plaisirs passés, toutes mes peines présentes, vinrent fondre à la fois dans mon cœur, et le remplirent de regrets et d'amertume.

Quoique je fasse des efforts continuels pour oublier mes chagrins et les chasser de ma pensée, il m'arrive quelquefois, lorsque je n'y prends pas garde, qu'ils rentrent tous à la fois dans ma chambre, comme si on leur ouvrait une écluse. Il ne me reste plus d'autre parti à prendre dans ces occasions que de m'abandonner au torrent qui m'entraîne, et mes idées deviennent alors si noires, tous les objets me paraissent si lugubres, que je finis ordinairement par rire de ma folie : en sorte que le remède se trouve dans la violence même du mal.

J'étais encore dans toute la force d'une de ces crises mélancoliques, lorsqu'une partie de la bouffée de vent qui avait ouvert ma fenêtre et fermé ma porte en passant, après avoir fait quelques tours dans ma chambre, feuilleté mes livres et jeté une feuille volante de mon voyage par terre, entra finalement dans mes rideaux et vint mourir sur ma joue. Je sentis la douce fraîcheur de la nuit, et, regardant cela comme une invitation de sa part, je me levai tout de suite, et j'allai sur mon échelle jouir du calme de la nature.

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