CHAPITRE XXVIII

Je me vois forcé de terminer ici l'explication de ma nouvelle méthode de faire l'amour, parce que je m'aperçois qu'elle tombe dans le noir. Il ne sera pas cependant hors de propos d'ajouter encore quelques éclaircissements sur cette découverte, et qui ne convient pas généralement à tout le monde ni à tous les âges. Je ne conseillerais à personne de la mettre en usage à vingt ans. L'inventeur lui-même n'en usait pas à cette époque de sa vie. Pour en tirer tout le parti possible, il faut avoir éprouvé tous les chagrins de la vie sans être découragé, et toutes les jouissances sans en être dégoûté. Point difficile ! Elle est surtout utile à cet âge où la raison nous conseille de renoncer aux habitudes de la jeunesse, et peut servir d'intermédiaire et de passage insensible entre le plaisir et la sagesse. Ce passage, comme l'ont observé tous les moralistes, est très difficile. Peu d'hommes ont le noble courage de le franchir galamment, et souvent, après avoir fait le pas, ils s'ennuient sur l'autre bord, et repassent le fossé en cheveux gris et à leur grande honte. C'est ce qu'ils éviteront sans peine par ma nouvelle manière de faire l'amour. En effet, la plupart de nos plaisirs n'étant autre chose qu'un jeu de l'imagination, il est essentiel de lui présenter une pâture innocente pour la détourner des objets auxquels nous devons renoncer, à peu près comme l'on présente des joujoux aux enfants lorsqu'on leur refuse des bonbons. De cette manière, on a le temps de s'affermir sur le terrain de la sagesse sans penser y être encore, et l'on y arrive par le chemin de la folie, ce qui en facilitera singulièrement l'accès à beaucoup de monde.

Je crois donc ne m'être point trompé dans l'espoir d'être utile qui m'a fait prendre la plume, et je n'ai plus qu'à me défendre du mouvement naturel d'amour-propre que je pourrais légitimement ressentir en dévoilant aux hommes de semblables vérités.

Share on Twitter Share on Facebook