CHAPITRE XX

Les murs de ma chambre sont garnis d’estampes et de tableaux qui l’embellissent singulièrement. Je voudrais de tout mon cœur les faire examiner au lecteur les uns après les autres, pour l’amuser et le distraire le long du chemin que nous devons encore parcourir pour arriver à mon bureau ; mais il est aussi impossible d’expliquer clairement un tableau que de faire un portrait ressemblant d’après une description.

Quelle émotion n’éprouverait-il pas, par exemple, en contemplant la première estampe qui se présente aux regards ! – Il y verrait la malheureuse Charlotte, essuyant lentement et d’une main tremblante les pistolets d’Albert. – De noirs pressentiments et toutes les angoisses de l’amour sans espoir et sans consolation sont empreints sur sa physionomie, tandis que le froid Albert, entouré de sacs de procès et de vieux papiers de toute espèce, se tourne froidement pour souhaiter un bon voyage à son ami. Combien de fois n’ai-je pas été tenté de briser la glace qui couvre cette estampe, pour arracher cet Albert de sa table, pour le mettre en pièces, le fouler aux pieds ! Mais il restera toujours trop d’Alberts en ce monde. Quel est l’homme sensible qui n’a pas le sien, avec lequel il est obligé de vivre, et contre lequel les épanchements de l’âme, les douces émotions du cœur et les élans de l’imagination vont se briser comme les flots sur les rochers ? Heureux celui qui trouve un ami dont le cœur et l’esprit lui conviennent ; un ami qui s’unisse à lui par une conformité de goûts, de sentiments et de connaissances ; un ami qui ne soit pas tourmenté par l’ambition ou l’intérêt ; – qui préfère l’ombre d’un arbre à la pompe d’une cour ! – Heureux celui qui possède un ami !

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