Préface

Xavier de Maistre.

Né à Chambéry en 1763, Xavier de Maistre appartenait à une famille de magistrats. Son père était président du Sénat de Savoie et son frère Joseph fut membre de la même assemblée jusqu’à l’invasion du pays par les Français. Xavier choisit le métier des armes. Officier sarde, il ne voulut point servir le conquérant français. Lorsqu’en 1802 son frère fut nommé par Victor-Emmanuel 1er, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, Xavier le suivit en Russie et s’engagea dans l’armée du Tsar. Il participa comme officier aux campagnes du Caucase et de Perse, puis il s’établit dans la capitale russe, qu’il ne quitta plus, sinon pour faire un voyage en France, quelques années avant sa mort. C’est à Saint-Pétersbourg en effet, que Xavier mourut, en 1852.

L’œuvre de Xavier de Maistre n’est pas très abondante, mais elle est d’une clarté, d’un esprit essentiellement français. Chacun de ses courts ouvrages : Voyage autour de ma chambre (1794), Le Lépreux de la cité d’Aoste (1811), Les Prisonniers du Caucase et La Jeune Sibérienne (1825), l’Expédition nocturne autour de ma chambre, sont des petits chefs-d’œuvre de style, de simplicité et de naturel.

Les circonstances dans lesquelles Xavier de Maistre se mit à écrire sont assez curieuses. Officier, en garnison dans la petite ville d’Alexandrie, en Italie, une malencontreuse affaire de duel le fit mettre aux arrêts pendant plusieurs jours. Le jeune officier accepta la punition avec philosophie. Ne pouvant quitter sa chambre, il se plut à passer en revue les objets qui l’entouraient, notant les réflexions que ceux-ci lui inspiraient, les souvenirs que chacun évoquait en son esprit. Il confia le cahier contenant cette série d’impressions à son frère, lequel avait acquis déjà à cette époque une enviable renommée grâce à la publication de ses Lettres d’un royaliste savoisien. Le comte Joseph de Maistre trouva l’essai de son cadet, original et d’une réelle valeur littéraire. A l’insu de son frère, il décida de le faire éditer. Ainsi, Xavier eut la surprise et la grande satisfaction de relire son ouvrage sous la forme d’un volume imprimé !

On ne pourrait donner sur l’œuvre de Xavier de Maistre, une appréciation plus concise et plus juste que celle de MM. Joseph Bédier et Paul Hazard dans leur « Histoire de la littérature française » : « Xavier eut en partage, écrivent ces auteurs, l’observation fine et délicate, l’humour, une sensibilité toujours distinguée : toutes qualités aimables, dont se pare ce charmant Voyage autour de ma chambre qui a fondé sa réputation. Il savait jouer nonchalamment avec les idées et les sentiments et inviter le lecteur à participer lui-même à ce jeu. Il n’était pas très profond, bien qu’il ne manquât pas d’humanité ; mais dans le domaine intermédiaire entre les émotions superficielles et les passions obscures de l’âme, il était roi. »

Ne terminons pas ce bref aperçu biographique, sans épingler ce mot charmant de Xavier de Maistre, qui eut toujours une profonde admiration pour son illustre aîné, l’auteur des « Soirées de Saint-Pétersbourg », « du Pape », et des « Considérations sur la France » : « Mon frère et moi, nous étions comme les deux aiguilles d’une montre : il était la grande, j’était la petite ; mais nous marquions la même heure, quoique d’une manière différente ».

R. Oppitz

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