COLÈRE BLEUE ET SURPRISE PÉNIBLE

Ainsi arriva le mois d’août et, parmi ses premiers jours, l’anniversaire de l’arrivée de notre héros était heureusement passé inaperçu. C’était heureux qu’il fût passé : le jeune Hans Castorp l’avait vu approcher avec une certaine inquiétude. Telle était, d’ailleurs, la règle. On n’aimait pas beaucoup les anniversaires d’arrivée ; ni les pensionnaires d’un an, ni les malades de plusieurs années n’en avaient cure, et tandis que, par ailleurs, on ne négligeait pas le moindre prétexte pour célébrer les fêtes et boire à la santé les uns des autres, tandis que l’on multipliait les occasions de réjouissance générale marquant le rythme et la pulsation de l’année à l’aide de toutes sortes de prétextes personnels et privés, et que les anniversaires de naissances, les examens généraux, les départs autorisés ou non, et d’autres événements encore étaient fêtés au restaurant par des festins au champagne, cet anniversaire-ci était voué au silence, on glissait sur lui, on oubliait même d’y prendre garde, et l’on pouvait se dire avec confiance que les autres ne s’en souviendraient pas du tout si exactement. On tenait sans doute aux divisions du temps ; on observait le calendrier, la succession des jours, leur retour apparent. Mais mesurer et compter le temps qui, pour chaque individu, était lié à l’espace, ici en haut, compter par conséquent le temps personnel et individuel, c’était là affaire des débutants et des hôtes de passage ; les anciens s’en tenaient à cet égard à l’absence de toute mesure, à l’éternité imperceptible, au jour qui était toujours le même, et chacun par délicatesse supposait chez l’autre un désir qu’il éprouvait lui-même. On eût jugé tout à fait maladroit et brutal de dire à quelqu’un qu’il était là juste depuis trois ans : de telles choses n’arrivaient pas. Mme Stoehr elle-même, quelques défauts qu’elle pût avoir par ailleurs, avait sur ce point de l’éducation et du tact ; jamais elle n’aurait commis une telle bévue. Sa maladie, l’état fiévreux de son corps s’alliaient, sans doute, à une profonde ignorance. Récemment encore, à table, elle avait parlé de « l’affectation » des pointes de ses poumons, et lorsque la conversation avait porté sur des événements historiques, elle avait déclaré que les dates historiques n’avaient jamais été son « anneau de Polycrate » ce qui avait sidéré un instant ses voisins. Mais il eût été inimaginable qu’elle rappelât en février l’anniversaire de sa venue au jeune Ziemssen, bien qu’elle y eût probablement pensé. Car sa malheureuse tête était naturellement pleine de dates et de choses inutiles, et elle aimait à faire les comptes des autres ; mais l’usage la muselait.

Il en fut donc ainsi le jour de Hans Castorp. Sans doute, à table, avait-elle essayé une fois de cligner des yeux d’une manière significative, mais comme elle avait rencontré un visage sans regard, elle s’était hâtée de battre en retraite. Joachim, lui aussi, avait gardé le silence, bien qu’il se souvînt sans doute du jour où il avait cherché à la gare de Dorf son cousin qui venait lui rendre visite. Mais Joachim, naturellement peu enclin à parler, beaucoup moins bavard en tout cas que Hans Castorp s’était montré ici, sans parler des humanistes et jacasseurs de leur entourage, Joachim donc avait observé ces temps derniers un mutisme particulier et frappant. Il ne s’exprimait plus que par monosyllabes, mais un travail se faisait derrière son masque. Il était clair que pour lui d’autres images étaient liées à celle de la gare de Dorf, que l’image de l’arrivée et de l’attente… Il entretenait une correspondance active avec le pays plat. Des décisions mûrissaient en lui. Il faisait des préparatifs qui approchaient de leur terme.

Le mois de juillet avait été chaud et clair. Mais au commencement du mois nouveau, le temps se fit mauvais, une humidité froide régna, une pluie mêlée de neige, puis, de la neige sans erreur possible, et ce temps dura, coupé de quelques belles journées d’été, jusque par delà la fin du mois, jusqu’en plein septembre. Au début, les chambres gardèrent encore la chaleur de la période d’été qui avait précédé ; on y avait dix degrés, ce qui passait pour confortable. Mais bientôt il fit de plus en plus froid et l’on fut heureux de voir tomber la neige qui couvrit la vallée, car la chute de la neige – la chute de la neige, la baisse de température à elle seule n’y eût pas suffi – décida l’administration à chauffer, d’abord la salle à manger, puis également les chambres, et lorsque, venant de sa cure et débarrassé de ses deux couvertures, on quittait la loggia, on pouvait tâter de ses mains humides et raides les radiateurs vivants, dont l’haleine sèche à la vérité accusait encore la rougeur des joues.

Était-ce l’hiver, cela ? Les sens n’échappaient pas à cette impression, et l’on se plaignait que l’on eût été « volé de son été », bien que l’on s’en fût, somme toute, dépouillé soi-même, aidé par des circonstances naturelles et artificielles, par un gaspillage intérieur et extérieur du temps. La raison disait qu’on aurait encore de belles journées d’automne ; peut-être même se suivraient-elles en série et seraient d’une splendeur si chaude que ce ne serait pas leur faire trop d’honneur que de leur accorder ce nom, – à condition de faire abstraction de l’orbite du soleil déjà plus allongée et de sa disparition plus rapide. Mais l’action, sur l’état d’âme, de l’aspect de ce paysage d’hiver était plus forte que toutes les consolations. On se postait devant la porte fermée de son balcon et on considérait avec répugnance ces tourbillons : c’était Joachim qui se tenait ainsi ; d’une voix oppressée il dit :

– Est-ce que ça va recommencer à présent ?

Hans Castorp, derrière lui, dans la chambre, répondit :

– Ce serait un peu trop tôt, cela ne peut être définitif, mais il est vrai que cela vous a un aspect effroyablement définitif. Si l’hiver consiste en de l’obscurité, de la neige, du froid et des radiateurs chauds, c’est de nouveau l’hiver, il n’y a pas moyen de le nier. Et si l’on considère que nous sortons à peine de l’hiver, que la fonte des neiges est à peine passée, – de toute façon il semble, n’est-ce pas ? que nous venions tout juste d’avoir le printemps – on peut se sentir momentanément écœuré, j’en conviens. C’est dangereux pour l’optimisme chez l’homme : laisse-moi t’expliquer ce que je veux dire. Je veux dire ceci, que tout le monde est normalement organisé de telle façon qu’il répond aux besoins de l’homme et convient à sa joie de vivre, c’est ce qu’il faut admettre. Je ne veux pas aller jusqu’à dire que l’ordre naturel, par exemple, disons-le tout de suite, la grandeur de la terre, le temps qu’elle met à tourner sur elle-même et autour du soleil, le rythme cosmique, si tu veux, soient calculés sur nos besoins : ce serait impertinent et niais, ce serait de la téléologie, comme disent les philosophes. Mais il y a tout simplement ceci que notre besoin et les faits naturels généraux et fondamentaux s’accordent, Dieu merci – je dis : Dieu merci, parce que c’est vraiment une occasion de louer Dieu – et lorsqu’en pays plat l’été ou l’hiver arrivent, l’été ou l’hiver précédents sont passés tout juste depuis un temps assez long pour que l’été ou l’hiver nous soient à nouveau les bienvenus et c’est à quoi tient notre plaisir de vivre. Mais, ici, sur nos sommets, cet ordre et cet accord sont troublés, premièrement parce que, ici, il n’y a pas du tout de saisons véritables, comme tu en as toi-même un jour fait la remarque, mais rien que des jours d’hiver pêle-mêle et sens dessus dessous, ensuite parce que ce n’est pas du tout du temps qui passe ici, de sorte que l’hiver suivant lorsqu’il revient n’est pas du tout nouveau, mais est toujours le même ; et c’est là ce qui explique le déplaisir avec lequel tu regardes par la fenêtre.

– Merci, dit Joachim, et maintenant que tu l’as expliqué, tu es, je crois, si satisfait que, par-dessus le marché, tu es content de la chose elle-même, quoiqu’elle… Eh bien non, dit encore Joachim, j’en ai assez, dit-il, c’est une cochonnerie. Toute cette histoire est une formidable et dégoûtante cochonnerie, et si pour ton compte… Moi je…

Et d’un pas rapide il quitta la chambre, fit même claquer la porte, et si tous les signes n’étaient pas trompeurs, des larmes étaient montées à ses beaux yeux doux.

L’autre, gêné, demeura en arrière. Il n’avait pas pris au sérieux certaines décisions de son cousin aussi longtemps que celui-ci s’était répandu en menaces verbales. Mais à présent que quelque chose couvait secrètement sous les traits de Joachim, et qu’il se conduisait comme il venait de le faire à l’instant, Hans Castorp prenait peur parce qu’il comprenait que ce militaire était homme à passer aux actes, il avait peur jusqu’à en pâlir, pour tous deux ; pour lui-même et pour l’autre. Fort possible qu’il aille mourir, pensa-t-il, et comme c’était là, à coup sûr, un savoir de troisième main, le tourment d’un soupçon ancien et jamais apaisé s’y mêla, tandis qu’il pensait encore : Est-il possible qu’il me laisse seul ici, moi qui ne suis venu que pour lui rendre visite ? Pour ajouter : ce serait fou et effrayant, ce serait tellement fou et effrayant que je sens ma figure se glacer et mon cœur faire des siennes, car si je reste seul ici – et c’est ce qui arrivera s’il s’en va ; il est tout simplement exclu que je parte avec lui, – s’il en est ainsi – mais voici que mon cœur s’arrête complètement – c’est pour toujours et à jamais, car je ne retrouverai jamais plus à moi seul le chemin de la plaine…

Telles furent les réflexions effrayantes de Hans Castorp. Encore dans le courant de la même après-midi il devait acquérir une certitude sur le cours des choses à venir ; Joachim s’ouvrit de son dessein, les dés tombèrent, il y eut combat et décision.

Après le thé ils descendirent dans le souterrain éclairé, pour l’examen mensuel. On était au début de septembre. En entrant dans l’atmosphère sèche de la salle de consultations, ils trouvèrent le docteur Krokovski, assis à sa place devant le secrétaire, tandis que le conseiller, le visage très bleu, les bras croisés, était appuyé au mur, tenant d’une main le stéthoscope duquel il se tapotait l’épaule. Il bâilla vers le plafond :

– Bonjour, les enfants, dit-il d’une voix fatiguée, et il manifesta de diverses façons encore une humeur assez déprimée, de la mélancolie, une résignation totale.

Sans doute, avait-il fumé ! Mais il avait eu aussi des ennuis positifs dont les cousins avaient entendu parler : des incidents de sanatorium d’un genre suffisamment connu : une jeune fille, nommée Ammy Noelting, qui, entrée pour la première fois l’automne précédent, et renvoyée après neuf mois, en août, comme guérie, était revenue avant la fin de septembre parce qu’elle « ne s’était pas sentie bien » chez elle, qui en février avait été à nouveau jugée complètement rétablie et avait été rendue au pays plat, mais qui depuis la mi-juillet avait repris sa place à la table de Mme Iltis ; cette Ammy, donc, avait été surprise à une heure du matin avec un malade nommé Polypraxios, le même Grec qui, le soir de Carnaval, avait fait sensation par l’élégance de ses jambes, un jeune chimiste dont le père possédait au Pirée une usine de produits colorants ; elle avait été surprise dans sa chambre par une amie égarée par la jalousie, laquelle avait pénétré dans la dite chambre par le même chemin que Polypraxios, c’est-à-dire en passant par le balcon, et qui, déchirée par la douleur et la colère, à cette découverte, avait poussé des cris effrayants, avait tout mis en branle, de sorte que cette affaire s’était ébruitée. Behrens avait dû les renvoyer tous trois, l’Athénien, la Noelting et l’amie, et il venait de discuter cette désagréable affaire avec son assistant, dont Ammy, ainsi que la rivale, avaient du reste suivi le traitement particulier. Durant l’examen, il continua de parler de cette affaire sur un ton de mélancolie et de résignation ; car il était un virtuose si accompli de l’auscultation qu’il était capable d’explorer l’intérieur d’un homme, tout en parlant d’autre chose et en dictant à son assistant ce qu’il avait constaté.

– Oui, oui, gentlemen, cette sacrée libido, dit-il. Vous, ces choses-là vous amusent encore, naturellement. Vésiculaire. Mais un chef d’établissement comme moi peut en avoir plein la lampe, oui, c’est ce que vous pouvez… Assourdi… Ah oui, vous pouvez m’en croire. Que voulez-vous que j’y fasse, si la phtisie est inséparable d’une certaine concupiscence ? Légère rugosité. Ce n’est pas moi qui en ai disposé ainsi, mais avant de s’être avisé de rien, on est là comme un tenancier de cabanons. Souffle court sous l’épaule gauche. Nous avons bien l’analyse, nous avons la confession, merci bien, bon appétit ! Plus cette bande de râleurs se confie, plus elle devient libertine. Moi, je préconise les mathématiques. Mieux ici le bruit a disparu. S’occuper de mathématiques, dis-je, c’est meilleur remède contre la concupiscence. Le procureur Paravant qui a été fortement tenté, s’est jeté dessus, il en est arrivé maintenant à la quadrature du cercle et cela le soulage beaucoup. Mais la plupart sont trop bêtes ou trop paresseux pour cela, – que Dieu leur pardonne ! Vésiculaire. Voyez-vous, je sais parfaitement que les jeunes gens se détraquent et tournent mal assez facilement ici et autrefois j’ai essayé d’intervenir contre la débauche. Mais dans ces cas-là, il m’est parfois arrivé qu’un frère ou un fiancé quelconque m’ait demandé en face en quoi cela pouvait bien me regarder. Depuis, je ne suis plus que médecin. Léger râle à droite, en haut.

Il en avait fini avec Joachim, il glissa son stéthoscope dans la poche de sa blouse et frotta ses deux yeux de son énorme main gauche, comme il avait coutume de faire lorsqu’il « n’y était plus » et qu’il devenait mélancolique. À moitié machinalement et tout en bâillant, entre temps, il récita sa petite leçon :

– Allons, Ziemssen, toujours gai ! C’est vrai que tout ne se passe pas encore exactement comme c’est écrit dans le livre de physiologie. Ça cloche encore ici et là ; et avec Gaffky vous n’avez pas encore complètement réglé vos petites affaires, vous avez même progressé récemment d’un numéro dans l’échelle, c’est 6 cette fois-ci. Mais il n’y a pas de quoi vous frapper. Lorsque vous êtes arrivé ici, vous étiez plus malade, je peux vous le mettre par écrit, et si vous restez encore cinq ou six petits meis, savez-vous qu’on disait autrefois : meis, et non pas : mois ? C’est beaucoup plus gentil. J’ai décidé de ne plus jamais dire que meis…

– Monsieur le conseiller, commença Joachim… Il était debout, le torse nu, dans une attitude rigide, la poitrine saillante, les talons joints, et son visage était aussi tacheté que le jour où Hans Castorp, en certaine circonstance, avait remarqué pour la première fois que c’était ainsi que le visage bronzé de son cousin pâlissait.

– Si vous faites, poursuivit Behrens, en précipitant son élan, si vous faites encore la moitié d’une bonne petite année votre service vous êtes un homme fait, vous pouvez prendre Constantinople d’assaut, vous marcherez si bien qu’on vous fera généralissime dans les Marches…

Dieu sait ce qu’il aurait encore radoté dans son état de moindre résistance si la tenue imperturbable de Joachim, sa volonté évidente de parler, et de parler avec courage, ne lui avaient pas fait perdre le fil.

– Monsieur le conseiller, dit le jeune homme, je me permets de vous informer que j’ai décidé de partir.

– Allons donc ! Vous voulez devenir voyageur ? Je croyais que vous vouliez un jour, lorsque vous serez guéri, vous faire soldat.

– Non, il faut que je parte maintenant, monsieur le conseiller. Il faut que je fasse mon service.

– Quoique je vous dise que dans six mois je vous autoriserai sans faute à partir, mais qu’avant six mois je ne peux vous rendre votre liberté ?

La tenue de Joachim devenait de plus en plus militaire. Il rentra l’estomac et dit, brièvement, d’une voix étouffée :

– Je suis ici depuis plus d’un an et demi, monsieur le conseiller. Je ne saurais attendre plus longtemps. Monsieur le conseiller dit primitivement : trois mois. Ensuite ma cure a été prolongée, chaque fois de trois ou de six mois, et je ne suis toujours pas bien portant.

– Est-ce ma faute ?

– Non, monsieur le conseiller. Mais je ne peux pas attendre plus longtemps. Si je ne veux pas manquer le moment opportun, je ne peux pas attendre ici d’être complètement guéri. Il faut que je descende dès à présent. J’ai encore besoin d’un peu de temps pour m’équiper et faire d’autres préparatifs.

– Vous agissez d’accord avec votre famille ?

– Ma mère est d’accord. Tout est convenu. J’entre le premier octobre comme aspirant au soixante-seizième.

– À vos risques et péril ? demanda Behrens, et il le regarda de ses yeux injectés de sang.

– À vos ordres, monsieur le conseiller, répondit Joachim, dont les lèvres tressaillirent.

– Allons, ça va bien, Ziemssen.

Le conseiller changea d’expression, son attitude se détendit et il rendit la main à tous les égards.

– Ça va bien, Ziemssen. Rompez. Partez et bon voyage ! Je vois que vous savez ce que vous voulez, vous prenez la chose sur vous, c’est donc affectivement votre affaire, et non pas la mienne, à partir du moment où vous en prenez la responsabilité. Chacun pour soi. Vous voyagez sans garantie, je ne réponds de rien. Mais, Dieu nous garde, cela peut très bien marcher. C’est un métier en plein air que vous allez exercer. Il est parfaitement possible qu’il vous convienne et que vous vous tiriez d’affaire.

– Parfaitement, monsieur le conseiller.

– Allons, et vous, le civil, vous voulez sans doute faire partie du pèlerinage, jeune homme ?

C’était Hans Castorp qui devait répondre. Il était là, aussi pâle qu’il y avait un an, lors de la consultation, à la suite de laquelle il était resté ici. Il était immobile comme ce jour-là, et de nouveau on voyait distinctement le battement de son cœur contre les côtes. Il dit :

– Je voudrais faire dépendre cela de votre jugement, docteur.

– De mon jugement ? Bien.

Behrens le tira à lui par le bras, frappa et ausculta. Il ne dicta pas. Cela alla assez vite. Lorsqu’il eut fini, il dit :

– Vous pouvez partir.

Hans Castorp bégaya :

– C’est-à-dire… comment ? Suis-je donc bien portant ?

– Oui, vous êtes bien portant. La tache à gauche, en haut, ce n’est plus la peine d’en parler. Votre température n’en dépend pas. D’où elle provient, c’est ce que je ne peux pas vous dire, j’admets qu’elle ne signifie pas grand’chose. Si cela vous plaît, vous pouvez partir.

– Mais… docteur… Je pense que pour l’instant vous ne parlez pas tout à fait sérieusement ?

– Pas sérieusement ? Comment donc ? Que vous figurez-vous donc ? Que pensez-vous de moi, en somme, c’est ce que je voudrais bien savoir. Pour qui me prenez-vous ? Pour un marchand de soupe ?

C’était un accès de colère furieuse. La couleur bleue du visage du conseiller avait tourné au violet, par l’afflux d’un sang enflammé, le pli de sa lèvre s’était accentué sous la petite moustache, de telle sorte que les canines supérieures saillaient ; il avançait la tête comme un taureau, ses yeux larmoyaient, humides et sanguinolents.

– Je vous en prie, cria-t-il. D’abord je ne suis pas du tout tenancier. Je suis un employé ici. Je suis médecin. Je ne suis que médecin, vous m’entendez ? Je ne suis pas un entremetteur ! Je ne suis pas un signor Amoroso du Toledo dans la belle Napoli, vous m’entendez bien ? Je suis un serviteur de l’humanité souffrante ! Et si vous vous êtes fait une autre idée de ma personne, vous pouvez aller tous les deux au diable, vous pouvez aller vous faire pendre où vous voudrez, à votre choix. Bon voyage !

À grands pas allongés il quitta la chambre, par la porte qui donnait dans la salle de radioscopie, et la fit claquer derrière lui.

Cherchant conseil, les cousins se tournèrent vers le docteur Krokovski, mais ce dernier était plongé et perdu dans ses paperasses. Ils se dépêchèrent donc de se rhabiller. Dans l’escalier, Hans Castorp dit :

– Mais c’était effrayant, cela. L’avais-tu déjà vu dans cet état ?

– Non, jamais dans cet état. Ce sont des accès de folie césarienne. La seule chose à faire, c’est de les subir sans perdre son sang-froid. Naturellement, il était déjà surexcité par l’affaire de Polypraxios et de la Noelting. Mais as-tu remarqué, poursuivit Joachim – et l’on se rendait compte que la joie d’avoir eu gain de cause montait en lui et lui oppressait la poitrine – as-tu remarqué comme il s’est dégonflé et a capitulé lorsqu’il a compris que je parlais sérieusement ? Il suffit de se montrer énergique et de ne pas se laisser endormir. À présent j’ai en quelque sorte une permission, il a dit lui-même que je me tirerais peut-être d’affaire, et dans huit jours c’est pour nous le départ ; dans trois semaines je serai en uniforme, rectifia-t-il en laissant Hans Castorp hors de cause, et en limitant son optimisme joyeux à sa propre personne.

Hans Castorp garda le silence. Il ne dit plus rien de la « permission » de Joachim, ni de la sienne propre, dont on eût pu parler également. Il se prépara pour la cure de repos, mit le thermomètre dans la bouche ; en quelques mouvements rapides et sûrs, avec une maîtrise accomplie, conformément à la pratique consacrée dont personne n’avait la moindre notion en pays plat, il s’enroula dans les deux couvertures en poil de chameau, puis il resta immobile, rouleau impeccable, sur son excellente chaise-longue, dans l’humidité froide de cet après-midi de l’automne commençant.

Les nuages de pluie étaient bas, le drapeau de fantaisie, au jardin, avait été amené, des restes de neige étaient accrochés aux branches du sapin. De la salle de repos d’en bas, où avait retenti il y a longtemps pour la première fois la voix de M. Albin, un léger bruit de conversations monta vers l’oreille du jeune homme qui faisait son service, et dont les doigts et le visage devinrent rapidement raides de froid et d’humidité. Il en avait l’habitude et il savait gré à ce genre de vie, le seul qu’il pût encore imaginer, de l’avantage qu’il accordait d’être étendu ainsi à l’abri et de pouvoir songer à tout.

C’était chose résolue, Joachim partirait. Rhadamante lui avait donné congé, non pas selon le rite, non pas comme s’il était bien portant, mais en l’approuvant à moitié, en rendant hommage à sa vaillance. Il descendrait par le chemin de fer à voie étroite jusqu’à Landquart, et puis à Romanshorn et ensuite par delà le lac profond et vaste que le cavalier du poème franchissait sur sa monture, et à travers toute l’Allemagne s’en retournerait chez lui. Il vivrait là-bas dans le monde du pays plat, au milieu d’hommes qui n’avaient aucune idée de la manière dont il fallait vivre, qui ne savaient rien du thermomètre, de l’art de s’empaqueter, du sac de fourrure, des trois promenades quotidiennes, de… il était difficile de dire, il était difficile d’énumérer tout ce dont ils ne savaient rien en bas, mais l’idée que Joachim, après avoir vécu en haut pendant plus d’un an et demi, devrait vivre parmi les ignorants, cette idée qui ne concernait que Joachim et qui ne le concernait, lui, Hans Castorp, que de très loin, et en quelque sorte à titre d’hypothèse, le troublait tellement qu’il ferma les yeux et fit de la main un geste de défense. « Impossible, impossible ! » murmura-t-il.

Dès lors que c’était impossible, continuerait-il donc de vivre ici, seul et sans Joachim ? Oui. Combien de temps ? Jusqu’à ce que Behrens le renvoyât comme guéri, et cela sérieusement, non pas comme aujourd’hui. Mais premièrement c’était là une date que l’on ne pouvait prévoir qu’en faisant, comme Joachim l’avait fait un jour, le geste de l’incalculable, et deuxièmement cette chose impossible deviendrait-elle dès lors plus possible ? Le contraire plutôt était vrai. Et il fallait en convenir loyalement ; une main lui était tendue, à présent que l’impossible n’était peut-être pas encore aussi impossible qu’il le deviendrait plus tard. Un soutien s’offrait à lui et un guide, grâce au départ en coup de tête de Joachim, pour le ramener au pays plat que, de lui-même, il risquait de ne jamais plus retrouver, de toute éternité. La pédagogie humaniste l’exhorterait instamment à saisir cette main et à accepter ce guide si la pédagogie humaniste apprenait cette occasion. Mais M. Settembrini n’était qu’un représentant de choses et de puissances intéressantes, qui toutefois n’étaient pas seules à exister, qui n’étaient pas absolues, et il en était de même de Joachim. Il était militaire, lui. Il partait presque à l’instant où Maroussia à la poitrine opulente allait revenir (tout le monde savait en effet qu’elle devait rentrer le 1eroctobre), tandis qu’à lui, au civil Hans Castorp, le départ semblait, au fond et en bref, impossible parce qu’il devait attendre Clawdia Chauchat, du retour de laquelle on ne savait encore absolument rien. « Ce n’est pas ma manière de voir », avait dit Joachim lorsque Rhadamante lui avait parlé de désertion, ce qui, sans conteste, n’avait été à l’égard de Joachim que sottises et radotages du conseiller obnubilé. Mais pour lui, le civil, il en allait quand même autrement. Pour lui (oui, sans aucun doute, il en était ainsi !) et c’était pour dégager cette considération décisive du vague de ses sentiments, qu’il s’était étendu aujourd’hui dans ce froid humide. Pour lui c’eût été vraiment une désertion que de saisir l’occasion et de partir en coup de tête, ou presque en coup de tête, pour le pays plat, une désertion en présence des responsabilités qui lui étaient apparues tandis qu’il contemplait l’image de cet être supérieur nommé Homo Dei, une trahison à l’égard des devoirs de son « gouvernement », accablants et irritants, surpassant ses forces, mais enchanteurs et aventureux, auxquels il se vouait ici, dans sa loge et dans le vallon fleuri de bleu.

Il tira le thermomètre de sa bouche, aussi violemment qu’il l’avait fait un autre jour déjà, après s’être servi pour la première fois du gracieux instrument que l’infirmière en chef lui avait vendu et il le regarda avec la même avidité. Le mercure avait sensiblement monté, il marquait 37,8, presque 9.

Hans Castorp rejeta les couvertures, sauta sur pied, fit quelques pas rapides dans la chambre, jusqu’à la porte du couloir, et revint. Puis, de nouveau en position horizontale, il appela doucement Joachim et s’informa de sa température.

– Je ne la prends plus, répondit Joachim.

– Eh bien, j’en ai moi, du tempus, dit Hans Castorp mettant ce mot, à la suite de Mme Stoehr, au même genre qu’autobus. Sur quoi Joachim garda le silence, derrière sa paroi de verre.

Plus tard il ne dit rien non plus, ni ce jour, ni le suivant : il ne s’informa pas des projets du cousin et de ses décisions qui, étant donné la rapidité du délai, devaient se révéler d’elles-mêmes : par des actes ou par l’abstention de certains actes ; et ce fut de cette seconde manière qu’il les apprit. Il semblait avoir opté pour le quiétisme, d’après lequel agir c’est offenser Dieu qui s’en réserve seul le privilège. Quoi qu’il en fût, ces jours-ci, l’activité de Hans Castorp s’était réduite à une visite chez Behrens, à un entretien que Joachim connaissait et dont il était possible de calculer sur ses cinq doigts le cours et le résultat. Son cousin avait dû déclarer qu’il se permettait d’accorder plus de poids aux nombreuses exhortations anciennes du conseiller à attendre la guérison complète, pour n’être pas obligé de revenir, qu’à une parole inconsidérée, prononcée en une minute de mauvaise humeur ; il avait 37°8, il ne pouvait pas se considérer comme libéré en bonne forme, et s’il ne fallait pas interpréter la parole prononcée l’autre jour par le conseiller comme une relégation que lui qui parlait n’avait pas le sentiment d’avoir encourue, il avait décidé, après mûre réflexion et en désaccord conscient avec son cousin, il avait décidé de demeurer encore ici, et d’attendre sa désintoxication complète. Sur quoi le conseiller avait dû répondre : « Parfait » et « Sans rancune ! » et : cela, c’était parler raison, et : il avait tout de suite vu que Hans Castorp avait plus de talent pour la maladie que ce galopin et ce traîneur de sabre. Et ainsi de suite.

Tel devait avoir été le cours de la conversation d’après les conjectures approximatives de Joachim. Il ne dit donc rien, mais se borna à constater en silence que Hans Castorp ne se joignait pas à ses préparatifs de voyage. D’ailleurs, le bon Joachim était bien assez absorbé par ses propres soucis. Il ne pouvait vraiment pas s’occuper davantage du sort de son cousin. Une tempête agitait sa poitrine, on le pense bien. Heureux encore qu’il ne prît plus sa température et qu’il eût cassé son instrument en le laissant tomber, prétendait-il ; s’il l’avait prise, il aurait eu peut-être des surprises troublantes, surexcité, tantôt brûlant d’une ardeur sombre, tantôt pâle de joie et d’impatience comme il l’était. Il ne pouvait plus rester étendu ; toute la journée, Hans Castorp l’entendait aller et venir dans sa chambre. À toute heure, quatre fois par jour, cependant qu’au Berghof régnait la position horizontale. Un an et demi ! Et à présent descendre au pays plat, chez soi, vraiment au régiment, encore qu’avec une demi-permission ! Ce n’était pas une bagatelle, à aucun point de vue, Hans Castorp le sentait en entendant son cousin aller et venir sans repos. Il avait vécu ici dix-huit mois, parcouru le cercle complet de l’année, et puis encore une fois la moitié, s’était profondément accoutumé, attaché à cet ordre, à cette règle de vie inaltérable qu’il avait observée pendant sept fois soixante-dix jours, en toute saison, et voici qu’il rentrait chez lui, à l’étranger, chez les ignorants ! Quelles difficultés d’acclimatation devaient le menacer là-bas ! Et pouvait-on s’étonner que la grande agitation de Joachim ne fût pas seulement faite de joie, mais aussi d’angoisse, de la souffrance d’une séparation de choses si profondément habituelles ! Sans même parler de Maroussia.

Mais la joie l’emportait. Le cœur et la bouche du bon Joachim en débordaient. Il ne parlait que de lui-même, il se désintéressait de l’avenir de son cousin. Il disait combien tout serait neuf et frais, la vie, lui-même, le temps, chaque jour, chaque heure. Il aurait de nouveau un temps stable, de lentes et importantes années de jeunesse. Il parla de sa mère, tante par alliance de Hans Castorp, qui avait des yeux aussi doux et noirs que Joachim, de sa mère qu’il n’avait pas vue durant tout ce séjour à la montagne, parce que, l’attendant de mois en mois, de semestre en semestre, elle ne s’était jamais résolue à rendre visite à son fils. Il parlait avec un sourire enthousiaste du serment au drapeau qu’il allait bientôt prêter – c’était en présence du drapeau, à l’étendard lui-même que dans les circonstances les plus solennelles, on prêtait ce serment. « Allons donc ! dit Hans Castorp, sérieusement ? À une hampe de bois ? Au morceau de tissu ? » Oui, en effet ! Et, dans l’artillerie, à la pièce, en manière de symbole. « En voilà des mœurs romantiques, observa le civil, sentimentales et fanatiques, pourrait-on dire. » Sur quoi Joachim, fier et heureux, hocha la tête avec approbation.

Il s’absorbait dans les préparatifs : il régla sa dernière note à l’administration et commença à faire ses bagages dès la veille de la date qu’il s’était fixée lui-même. Il emballa les vêtements d’été et d’hiver et fit coudre par le portier d’étage le sac de fourrure et les couvertures en poil de chameau dans de la toile de sac : peut-être pourrait-il s’en servir aux grandes manœuvres. Il commença à faire ses adieux. Il fit des visites d’adieu à Naphta et à Settembrini, – seul, car son cousin ne se joignit pas à lui et ne s’informa pas davantage des appréciations que Settembrini avait formulées sur le départ prochain de Joachim et sur le fait qu’il n’était pas question du départ de Hans Castorp. Qu’il eût dit : « tiens, tiens ! » ou : « pas possible ! » ou les deux à la fois, ou : « poveretto », peu lui importait.

Puis vint l’avant-veille du départ, le jour où Joachim s’acquitta pour la dernière fois de tout, de chaque cure, de chaque promenade, et où il prit congé des médecins et de l’infirmière en chef. Et le jour lui-même arriva : les yeux brûlants et les mains froides, Joachim vint au petit déjeuner, car il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, il mangea du reste à peine et lorsque la naine annonça que les bagages étaient chargés, il sauta de sa chaise pour prendre congé de ses compagnons de table. Mme Stoehr, en lui disant adieu, versa des larmes, les larmes faciles et sans amertume de l’ignorante, mais derrière le dos de Joachim, par un signe de tête à l’institutrice, et en balançant avec une grimace sa main aux doigts écartés, elle exprima par un jeu de physionomie des plus vulgaires ses doutes sur la légitimité du départ et sur les chances de salut de Joachim. Hans Castorp la vit, qui vidait sa tasse debout pour suivre incontinent son cousin. Il fallait encore distribuer des pourboires et répondre dans le vestibule au compliment officiel du représentant de l’administration. Comme toujours, des pensionnaires étaient présents pour assister au départ : Mme Iltis, avec son « stérilet », Mlle Lévi au teint d’ivoire, Popoff, le dépravé, avec sa fiancée. Ils firent des signes avec leurs mouchoirs lorsque la voiture, freinée à la roue de derrière, dévala la rampe. On avait offert des roses à Joachim. Il était coiffé d’un chapeau. Hans Castorp, pas.

La matinée était splendide, c’était la première journée de soleil après tant de mauvais temps. Le Schiahorn, les Tours Vertes, la cime du Dorfberg se dessinaient, repères inchangés, sur l’azur, et les yeux de Joachim reposaient sur eux. Presque dommage, dit Hans Castorp, que le temps soit devenu si beau justement pour le départ. Il y avait de la méchanceté là-dedans et une impression finale assez réconfortante facilitait la séparation. Sur quoi Joachim observa qu’il n’avait nul besoin qu’elle lui fût facilitée, et que c’était là un temps parfait pour faire son instruction, il en aurait aussi bien besoin en bas. Ils ne parlèrent plus guère. Il est vrai qu’il n’y avait plus grand’chose à dire, vu les circonstances. Et, de plus, le portier boiteux était assis devant eux sur le siège, à côté du cocher.

Haut perchés, secoués sur les coussins durs du cabriolet, ils avaient franchi le cours d’eau, la voie étroite, et suivaient la route irrégulièrement bordée de maisons et parallèle aux rails, puis ils s’arrêtèrent sur la place pierreuse devant la gare de Dorf, qui n’était guère qu’une sorte de hangar. Hans Castorp reconnut tout avec effroi. Depuis son arrivée, voici treize mois, à la nuit tombante, il n’avait pas revu la gare. « Mais c’est ici que je suis arrivé » dit-il, fort inutilement, et Joachim répondit simplement : « Oui, c’est ici », et il paya le cocher.

L’actif boiteux s’occupa de tout, du billet, des bagages. Ils étaient debout l’un près de l’autre sur le quai, près du train en miniature, à côté du petit compartiment capitonné de gris, où Joachim avait réservé sa place par son manteau, son plaid roulé et ses roses. « Eh bien, va donc prêter ton serment romantique ! » dit Hans Castorp, et Joachim répondit : « On n’y manquera pas ! » Quoi de plus ? Ils se chargèrent l’un l’autre des dernières salutations, pour ceux d’en bas, pour ceux d’en haut. Puis Hans Castorp ne fit plus que tracer avec sa canne des dessins sur l’asphalte. Lorsqu’on cria : « En voiture ! », il sursauta, regarda Joachim, et celui-ci le regarda. Ils se donnèrent la main, Hans Castorp eut un sourire vague ; les yeux de l’autre étaient graves et le regardaient avec une insistance triste. « Hans ! » dit-il. Grand Dieu ! y avait-il jamais eu au monde chose aussi pénible ? Il appelait Hans Castorp par son prénom. Il ne lui disait pas « Toi » ou : « Dis donc », comme ils avaient toujours fait, mais voici que, rompant avec toutes leurs habitudes de raideur et de réserve, il l’appelait avec une exubérance troublante par son prénom ! « Hans ! » disait-il, et avec une appréhension pressante il serrait la main de son cousin, qui ne pouvait pas ne pas se rendre compte que la nuque de Joachim, énervé par l’insomnie et fiévreux de partir, tremblait comme il lui arrivait à lui lorsqu’il « gouvernait », « Hans, dit-il d’un ton pressant, suis-moi bientôt ! » Puis il sauta sur le marchepied. La portière se ferma, il y eut un coup de sifflet, les wagons s’entre-heurtèrent, la petite locomotive tira, le train partit. Par la portière, le voyageur agitait son chapeau ; l’autre, resté en arrière, agitait la main. Seul, le cœur remué, il demeura encore un long moment. Puis il remonta lentement le chemin par lequel Joachim, voici longtemps, l’avait conduit au Berghof.

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