Dans son livre intitulé Prüfung der Untersuchungen über die Urbewohner Hispaniens, vermittelst der Waskischen Sprache [Berlin, 1821], M. W. de Humboldt a cherché à établir, par la comparaison des débris de l'ancienne langue ibérique avec la langue basque actuelle, l'identité des Basques et des Ibères. Ces débris ne sont autre chose que les noms de lieux et les noms d'hommes qui nous ont été transmis par les auteurs anciens. Encore nous sont-ils parvenus bien défigurés. Pline déclare rapporter seulement les noms qu'il peut exprimer en latin: «Ex his digna memoratu aut latiali sermone dictu facilia, etc.» Mela, Strabon, sont aussi arrêtés par la difficulté de rendre dans leur langue la prononciation barbare. Ainsi les anciens ont dû omettre précisément les noms les plus originaux. Quelques mots transmis littéralement sur les monnaies ont la plus grande importance...
Après avoir posé les principes de l'étymologie, M. de Humboldt les applique à la méthode suivante: 1o chercher s'il y a d'anciens noms ibériens qui, pour le son et la signification, s'accordent (au moins en partie) avec les mots basques usités aujourd'hui; 2o dans tout le cours de ces recherches, et avant d'entrer dans l'examen spécial, comparer l'impression que ces anciens noms produisent sur l'oreille, avec le caractère harmonique de la langue basque: 3o examiner si ces anciens noms s'accorderaient avec les noms de lieux des provinces où l'on parle le basque aujourd'hui. Cet accord peut montrer, lors même qu'on ne trouverait pas le sens du nom, que des circonstances analogues ont tiré d'une langue identique les mêmes noms pour différents lieux.
Il a été conduit aux résultats suivants:
«1o Le rapprochement des anciens noms de lieux de la péninsule (p. 34) ibérienne avec la langue basque montre que cette langue était celle des Ibères, et comme ce peuple paraît n'avoir eu qu'une langue, peuples ibères et peuples parlant le basque sont des expressions synonymes.
«2o Les noms de lieux basques se trouvent sur toute la Péninsule sans exception, et, par conséquent, les Ibères étaient répandus dans toutes les parties de cette contrée.
«3o Mais dans la géographie de l'ancienne Espagne, il y a d'autres noms de lieux qui, rapprochés de ceux des contrées habitées par les Celtes, paraissent d'origine celtique; et ces noms nous indiquent, au défaut de témoignage historique, les établissements des Celtes mêlés aux Ibères.
«4o Les Ibères non mêlés de Celtes habitaient seulement vers les Pyrénées et sur la côte méridionale. Les deux races étaient mêlées dans l'intérieur des terres, dans la Lusitanie, et dans la plus grande partie des côtes du Nord.
«5o Les Celtes ibériens se rapportaient, pour le langage, aux Celtes, d'où proviennent les anciens noms de lieux de la Gaule et de la Bretagne, ainsi que les langues encore vivantes en France et en Angleterre. Mais vraisemblablement ce n'étaient point des peuples de pure souche gallique, rameaux détachés d'une tige qui restât derrière eux; la diversité de caractère et d'institution témoigne assez qu'il n'en est pas ainsi. Peut-être furent-ils établis dans les Gaules à une époque anté-historique, ou du moins ils y étaient établis bien avant (avant les Gaulois?). En tous cas, dans leur mélange avec les Ibères, c'était le caractère ibérien qui prévalait, et non le caractère gaulois, tel que les Romains nous l'ont fait connaître.
«6o Hors de l'Espagne, vers le Nord, on ne trouve pas trace des Ibères, excepté toutefois dans l'Aquitaine ibérique et une partie de la côte de la Méditerranée. Les Calédoniens nommément appartenaient à la race celtique, non à l'ibérienne.
«7o Vers le sud, les Ibères étaient établis dans les trois grandes îles de la Méditerranée; les témoignages historiques et l'origine basque des noms de lieux s'accordent pour le prouver. Toutefois, ils n'y étaient pas venus, du moins exclusivement, de l'Ibérie ou de la Gaule, ils occupaient ces établissements de tout temps ou bien ils y vinrent de l'Orient.
«8o Les Ibères appartenaient-ils aussi aux peuples primitifs de l'Italie continentale? La chose est incertaine; cependant on y (p. 35) trouve plusieurs noms de lieux d'origine basque, ce qui tendrait à fonder cette conjecture.
«9o Les Ibères sont différents des Celtes, tels que nous connaissons ces derniers par le témoignage des Grecs et des Romains, et par ce qui nous reste de leurs langues. Cependant il n'y a aucun sujet de nier toute parenté entre les deux nations; il y aurait même plutôt lieu de croire que les Ibères sont une dépendance des Celtes, laquelle en a été démembrée de bonne heure.»
Nous n'extrairons de ce travail que ce qui se rapporte directement à la Gaule et à l'Italie. Nous reproduirons d'abord les étymologies des noms: Basques, Biscaye, Espagne, Ibérie (p. 54).
Basoa, forêt, bocage, broussailles. Basi, basti, bastetani, basitani, bastitani (bas eta, pays de forêt, bascontum (comme basocoa), appartenant aux forêts). Cette étymologie donnée par Astallos n'est pas bonne.—Les Basques s'appellent non Basocoac, mais Euscaldunac, leur pays Euscalerria, Eusquererria, et leur langue euscara, eusquera, escuara. [La terminaison ara indique le rapport de suite, de conséquence, d'une chose à une autre; ainsi ara-uz, conformément; ara-ua, règle, rapport. Eusk-ara veut donc dire à la manière basque.] Aldunac vient d'aldea, côté, partie; duna, terminaison de l'adjectif, et c, marque du pluriel[21]. Erria, ara, era, ne sont que des syllabes auxiliaires. La racine est Eusken, Esken[22]. D'où les villes Vesci, Vescelia, et la Vescitania, où se trouvait la ville d'Osca; deux autres Osca chez les Turduli et en Bœturie, et Ileosca, Etosca (Etrusca?), Menosca (Mendia, montagne), Virovesca; les Auscii d'Aquitaine avec leur capitale Elimberrum (Illiberris, ville neuve); Osquidates?—Le nom d'Osca doit se rapporter à tout le peuple des Ibères. Les sommes énormes d'argentum oscense mentionnées par Tite-Live ne peuvent guère avoir été frappées dans une des petites villes appelées Osca. Florez croit que la ressemblance de l'ancien alphabet (p. 36) ibérien avec celui des Osques italiens peut avoir donné lieu à ce nom.
Noms basques qui se retrouvent en Gaule (p. 69):
Aquitaine: Calagorris, Casères en Comminges.—Vasates et Basabocates, de Basoa, forêt. De même le diocèse de Basas, entre la Garonne et la Dordogne.—Iluro, comme la ville des Cosetans (Oléron).—Bigorra, de bi, deux, gora, haut.—Oscara, Ousche.—Garites, pays de Gavre, de gora, haut.—Garoceli... (Cæsar, de Bell. Gall., I, X, et non Graioceli). Auscii, de eusken, esken, vesci (osci?)[23] nom des Basques (leur ville est Elimberrum comme Illiberri).—Osquidates, même racine, vallée d'Ossau, du pied des Pyrénées à Oléron.—Curianum (cap de Buch, promontoire près duquel le bassin d'Arcachon s'enfonce dans les terres), de gur, courbé.—Le rivage Corense (en Bétique).—Bercorcates, même racine; Biscarosse, bourg du district de Born, frontières de Buch.—Les terminaisons celtiques sont dunum [24], magus, vices et briga (p. 96), Segodunum apud Rutenos appartient plus à la Narbonnaise qu'à l'Aquitaine. Lugdunum apud Convenas est mixte, comme l'indique Convenæ, Comminges. On ne les trouve pas, non plus que briga, chez les vrais Aquitains. La terminaison en riges paraît commune aux Celtes et aux Basques. Chose remarquable: le seul peuple que Strabon nous désigne comme étranger, dans l'Aquitaine, les Bituriges, ont un nom tout à fait basque; de même les Caturiges, Celtes des Hautes-Alpes; ce sont des établissements primitivement ibériens.
Côte méridionale de la Gaule: Illiberis Bebryciorum, Vasio Vocontiorum (Vaison) en Narbonnaise. Bebryces rappelle briges, et peut-être Allo-Broges (Étienne de Byzance écrit Allobryges; selon lui, on trouve le plus souvent, chez les Grecs, Allobryges). (p. 37) Cependant le scholiaste Juvénal dit ce mot celtique (Sat. VIII, v. 234, et signifiant terre, contrée).
Dans le reste de la Gaule, on rencontre peu de noms analogues au basque, excepté Bituriges[25]. Cependant Gelduba, comme Corduba, Salduba, Arverni, Arvii, Gadurci, Caracates, Carasa, Carcaso et Ardyes dans le Valais, Carnutes, Carocotinum (Crotoy), Carpentoracte (Carpentras), Corsisi, Carsis ou Cassis, Corbilo (Coiron-sur-Loire), (Turones?) Ces analogies avec le basque sont probablement fortuites. Le mot même de Britannia ne dériverait-il pas de cette racine féconde? prydain, brigantes?
Brigantium en Espagne chez les Gallaïci, Brigœtium en Asturie. De même en Gaule Brigantium et le port Brivates.—En Bretagne, les Brigantes, et leur ville Isubrigantum; le même nom de peuple se trouve en Irlande.—Brigantium, sur le lac de Constance, Bregetium, en Hongrie, sur le Danube. En Gaule, sur la côte sud, les Segobriges; dans l'Aquitaine propre, les Nitiobriges (Agen); Samarobriva (Amiens); Eburobriva entre Auxerre et Troyes; Baudobrica, au-dessus de Coblentz, Bontobrice et ad Magetobria, entre Rhin et Moselle; en Suisse, les Latobrigi et Latobrogi; en Bretagne, Durobrivœ et Ourobrivœ; Artobriga (Ratisbonne) dans l'Allemagne celtique.
Recherches de noms celtiques dans des noms de lieux ibériens (p. 83): Ebura ou Ebora, en Bétique et chez les Turduli, Edetani, Carpetani, Lusitani, et Ripepora en Bétique, Eburobritium chez les Lusitani; en Gaule, Eburobrica, Eburodunum; sur la côte méridionale, les Eburones, sur la rive gauche du Rhin, Aulerci Eburovices en Normandie; en Bretagne, Eboracum, Eburacum; en Autriche, Eburodunum; en Hongrie, Eburum; en Lucanie, les Eburini? le gaulois Eporedorix dans César?
Noms celtiques en Espagne.
Ebora, Ebura, Segobrigii (?), p. 85. Les Segobriges sur la côte sud de la Gaule. Segobriga, villes espagnoles des Celtibériens; (p. 38) Segontia, Segedunum, en Bretagne, Segodunum, en Gaule, Segestica, en Pannonie.—En Espagne, Nemetobriga, Nemetates.—Augustonemetum, en Auvergne, Nemetacum, Nemetocenna, et les Nemètes dans la Germanie supérieure, Nemausus, Nîmes; de l'irlandais Naomhtha (V. Lluyd), sacré, saint?
Page 90. Recherches de noms basques dans les noms de lieux celtiques. En Bretagne: Le fleuve Ilas, Isca, Isurum, Verurium. Le promontoire Ocelum ou Ocellum. Sur le Danube, entre le Norique et la Pannonie, Astura et le fleuve Carpis. Urbate et le fleuve Urpanus.—En Espagne: Ula, Osca, Esurir. Le mont Solorius. Ocelum chez les Callaïci...
Noms basques en Italie: Iria apud Taurinos, comme Iria Flavia Callaïcorum (iria, ville).—Ilienses, en Sardaigne, Troyens? Cependant d'habit et de mœurs libyens selon Pausanias.—Uria, en Apulie, comme Urium Turdulorum.—D'ra, eau: Urba Salovia Picenorum, Urbinum, Urcinium de Corse, comme Urce Bastetanorum.—Urgo, île entre Corse et Étrurie, comme Urgao en Bétique.—Usentini en Lucanie, comme Urso, Ursao, en Bétique.—Agurium, en Sicile; Argiria, en Espagne; Astura, fleuve et île près d'Antium.—D'asta, roche: Asta, en Ligurie, et Asta Turdetanorum, etc., etc., en Espagne.—Osci ne se rapporte pas à osca, il est contracté d'opici, opci (mais pourquoi opici ne serait-il pas une extension de osci?)—Ausones, analogue à l'espagnol Ausa et Ausetani. Cependant il se lie avec Aurunci.—Arsia, en Istrie; Arsa, en Bœturie.—Basta, en Calabre; Basti apud Bastetanos.—Basterbini Salentinorum, de basoa, montagne, et de erbestatu, émigrer, changer de pays (erria).—Biturgia, en Étrurie; Bituris, chez les Basques.—Hispellum, en Ombrie.—Le Lambrus, qui se jette dans le Pô, Lambriaca et Flavia lambris Callaïcorum.—Murgantia, ville barbare en Sicile; Murgis, en Espagne; Suessa et Suessula, comme les Suessetani des Ilergètes.—Curenses Sabinorum, Gurulis, en Sardaigne, comme le littus Corense, en Bétique, et le prom. Curianum en Aquitaine,—Curia, même racine que urbs; urvus, curvus, urvare urvum aratri; ὅρος, ἀρόω, κυρτὁς; en allemand, aëren, labourer; en basque, ara-tu, labourer (ἄρω, labourer); gur, courbe; uria, iria, ville.—L'allemand ort est encore de cette famille.—Les Basques et les Romains seraient rattachés l'un à l'autre par l'intermédiaire des Étrusques. «Je (p. 39) ne dis pas pour cela que les Étrusques soient pères des Ibères ni leurs fils[26].»
Page 97.—C'est à tort que les Français et Espagnols confondent les Cantabres et les Basques (Oihenart les distingue); les Cantabres en étaient séparés par les Autrigons, et les tribus peu guerrières des Caristii et Varduli. Chez les Cantabres commence ce mélange de noms de lieux, que je ne trouve point chez les Basques. Les Cantabres sont essentiellement guerriers, les Basques aussi, et même ils se vantaient de ne pas porter de casques (Sil. It., III, 358. V. 197, IX, 232). Ceci prouve cependant qu'ils avaient plus rarement la guerre. Enfermés dans leurs montagnes, ils n'eurent point de guerres contre les Romains, sauf la guerre désespérée de Calagurris (Juven., XV, 93-110).
Page 100.—Les noms basques se représentent surtout chez les Turduli et Turdetani de la Bétique. Ainsi, il n'y avait aucune contrée de la Péninsule où les noms de lieux n'indiquassent un peuple parlant et prononçant comme les Basques d'aujourd'hui. Les formes infiniment variées de la langue basque seraient inexplicables, si ce peuple n'avait été formé de tribus très-nombreuses, et dispersées autrefois sur un vaste territoire.—Atzean signifie derrière, en arrière, et Atzea l'étranger; ainsi ce peuple pensait primitivement que l'étranger n'était que derrière lui: ceci fait croire que, depuis un temps immémorial, ils sont établis au bout de l'Europe.
Page 113.—Les Celtes et les Ibères sont deux races différentes (Strab., IV, I, p. 176, c. II. 1. pag. 189). Niebuhr pense de même contre l'opinion de Bullet, Vallancey, etc. Les Ibères étaient plus pacifiques; en effet, les Turduli, Turdetani. Au lieu de faire des expéditions, ils furent repoussés du Rhône à l'ouest. Ils ne faisaient pas de ligues avec d'autres, par confiance en soi (Strab., III, 4, p. 138); aussi, point de grandes entreprises (Florus, II, 17, 3), seulement de petits brigandages; opiniâtres contre les Romains, mais surtout les Celtibères; poussés par la tyrannie des préteurs, par la fréquente stérilité des pays de montagnes, (p. 40) avec une population croissante; obligés d'éloigner d'eux annuellement une partie des hommes en âge de porter les armes; effarouchés par l'état de guerre permanent en Espagne, sous les Romains.
Le monde ibérien est antérieur au monde celtique... On n'en connaît que la décadence. Les Vaccéens (Diod., V, 34) faisaient chaque année un partage de leurs terres, et mettaient les fruits en commun, signe d'une société bien antique.
Nous ne trouvons pas chez les Ibères l'institut des Druides et Bardes. Aussi point d'union politique (les Druides avaient un chef unique). Aussi moins de régularité dans la langue basque pour revenir des dérivés aux racines.
On accuse les Gaulois, et non les Ibères, de pédérastie (Athen. XIII, 79. Diod., V, 31); au contraire, les Ibères préfèrent l'honneur et la chasteté à la vie (Strab., III, 4, p. 164). Les Gaulois, et non les Ibères, bruyants, vains, etc. (Diod., V, 31, p. 157), les Ibères méprisent la mort, mais avec moins de légèreté que les Gaulois, qui donnaient leur vie pour quelque argent ou quelques verres de vin (Athen. IV, 40).
Diodore assimile les Celtibères aux Lusitaniens. Les uns et les autres semblent avoir déployé dans la guerre la ruse, l'agilité, caractère des Ibères (Strab., III). Mais les Celtibères craignaient moins les batailles rangées; ils avaient conservé le bouclier gaulois; les Lusitaniens en portaient un moins long (Scutatæ citerioris provinciæ, et cetratæ ulterioris Hispaniæ cohortes, Cæs. de B., lib. I, 39. Cependant id. I, 48).
Les Celtibères avaient (sans doute d'après les Ibères) des bottes tissues de cheveux (Diodore: Τριχίνας είλουσι κνημῖδας). Les Biscayens d'aujourd'hui ont la jambe serrée de bandes de laine, qui vont joindre l'abarca, sorte de sandale.
Les montagnards vivaient deux tiers de l'année d'un pain de gland (nourriture des Pélages, Dodone, etc.; glandem ructante marito. Juv. VI, 10). Les Celtibères mangeaient beaucoup de viande; les Ibères buvaient une boisson d'orge fermentée; les Celtibères de l'hydromel.
Les ressemblances entre les Ibères et les Celtibères sont nombreuses, exemple: tout soin domestique abandonné aux femmes; force et endurcissement de celles-ci, qu'on retrouve en Biscaye et provinces voisines (et dans plusieurs parties de la Bretagne, comme à Ouessant).
(p. 41) Chez les Ibères et les Celtes (Aquitaine?) hommes qui dévouent leur vie à un homme (Plut. Sertor., 14, Val. Max., VII, 6, ext. 3.—Cæs. de B. Gall.). Val. Max., II, 6, 11, dit expressément que ces dévouements étaient particuliers aux Ibères.
Page 121.—Les Gaulois aimaient les habits bariolés et voyants; les Ibères, même les Celtibères, les portaient noirs, de grosse laine, comme des cheveux, leurs femmes des voiles noirs. En guerre, par exemple à Cannes (Polyb., III, 114, Livius, XXII, 46), vêtements de lin blanc, et par-dessus habits rayés de pourpre (c'est un milieu entre le bariolé gaulois et la simplicité ibérienne).
Ce qu'on sait de la religion des Ibères s'applique aussi aux Celtes, sauf une exception: Quelques-uns, dit Strabon (III, 4, p. 164) refusent aux Galliciens toute foi dans les dieux, et disent qu'aux nuits de pleine lune les Celtibères et leurs voisins du Nord font des danses et une fête devant leurs portes avec leurs familles, en l'honneur d'un Dieu sans nom. Plusieurs auteurs (dont Humboldt semble adopter le sentiment) croient voir un croissant et des étoiles sur les monnaies de l'ancienne Espagne. Florez (Medallas, 1) remarque que dans les médailles de la Bétique (et non des autres provinces), le taureau est toujours accompagné d'un croissant (le croissant est phénicien et druidique; la vache est dans les armes des Basques, des Gallois, etc.). Dans les autres provinces, on trouve le taureau, mais non le croissant.
Nulle mention du temple, si ce n'est dans les provinces en rapport avec les peuples méridionaux (cependant quelques noms celtiques: exemple, Nemetobriga).—Strab. (III, 1, p. 138), dans un passage obscur où il donne les opinions opposées d'Artémidore et d'Éphore sur le prétendu temple d'Hercule au promontoire Cuneus, parle de certaines pierres qui, dans plusieurs lieux, se trouvent trois ou quatre ensemble, et qui ont un rapport à des usages religieux (trad. fr., I, 385, III, 4, 5.). Un voyageur anglais en Espagne dit qu'aux frontières de Gallice on rencontre deux grands tas de pierres, la coutume étant que tout Gallicien qui émigre pour trouver du travail y mette une pierre au départ et au retour. Arist. Polit. VII, 2, 6: Sur la tombe du guerrier ibérien autant de lances (ὀβελίσκους) qu'il a tué d'ennemis.
Nous ne trouvons pas chez les Ibères, comme chez les Gaulois, l'usage de jeter de l'or dans les lacs ou de le placer dans les lieux sacrés, sans autre garde que la religion. Au temple d'Hercule, à (p. 42) Cadix, il y avait des offrandes que César fit respecter après la défaite des fils de Pompée (Dio, c. XLIII, XXXIX); mais le culte de ce temple était encore phénicien, même au temps d'Appien, VI, II, 35.—Justin, XLIV, 3: «La terre est si riche chez les Galliciens, que la charrue y soulève souvent de l'or; ils ont une montagne sacrée qu'il est défendu de violer par le fer; mais si la foudre y tombe, on peut y recueillir l'or qu'elle a pu découvrir, comme un présent des dieux.» Voilà bien l'or propriété des dieux.
Page 123.—Pour les noms de lieux, point de traces des Ibères dans la Gaule non aquitanique, ni dans la Bretagne [cependant voyez plus haut], quoique Tacite (Agric., II) croie les reconnaître dans le teint des Silures, dans leurs cheveux frisés et leur position géographique. (Mannert croit les trouver en Calédonie.) Il faut attendre qu'on ait comparé le basque avec les langues celtiques. Espérons, ajoute M. de Humboldt, qu'Ahlwardt nous fera connaître ses travaux...
Page 126.—Les anciennes langues celtiques ne peuvent avoir différé du breton et gallois actuel; la preuve en est dans les noms de lieux et de personnes, dans beaucoup d'autres mots, dans l'impossibilité de supposer une troisième langue qui eût entièrement péri...
Page 131.—On peut dire des Ibères ce que dit Mannert des Ligures, avec beaucoup de sagacité, qu'ils ne dérivent pas des Celtes que nous connaissons dans la Gaule, mais que pourtant ils pourraient être une branche sœur d'une tige orientale plus ancienne.
Page 132.—Parenté fort douteuse du basque et des langues américaines.
Nous n'avons pas cru qu'on pût nous blâmer de donner un extrait de cet admirable petit livre, qui n'est pas encore traduit.