Lélie, Andrès
Lélie
Quel que soit le transport d’une âme impatiente,
Ma parole m’engage à rester en attente,
À laisser faire un autre, et voir, sans rien oser,
Comme de mes destins le Ciel veut disposer.
Demandiez-vous quelqu’un dedans cette demeure ?
Andrès
C’est un logis garni que j’ai pris tout à l’heure.
Lélie
À mon père pourtant la maison appartient,
Et mon valet la nuit pour la garder s’y tient.
Andrès
Je ne sais ; l’écriteau marque au moins qu’on la loue :
Lisez.
Lélie
Certes, ceci me surprend, je l’avoue.
Qui diantre aurait mis, et par quel intérêt… ?
Ah ! ma foi, je devine à peu près ce que c’est :
Cela ne peut venir que de ce que j’augure.
Andrès
Peut-on vous demander quelle est cette aventure ?
Lélie
Je voudrais à tout autre en faire un grand secret ;
Mais pour vous il n’importe, et vous serez discret.
Sans doute l’écriteau que vous voyez paraître,
Comme je conjecture au moins, ne saurait être
Que quelque invention du valet que je di,
Que quelque nœud subtil qu’il doit avoir ourdi,
Pour mettre en mon pouvoir certaine égyptienne
Dont j’ai l’âme piquée, et qu’il faut que j’obtienne ;
Je l’ai déjà manquée, et même plusieurs coups.
Andrès
Vous l’appelez ?
Lélie
Célie.
Andrès
Hé ! que ne disiez-vous ?
Vous n’aviez qu’à parler, je vous aurais sans doute
Épargné tous les soins que ce projet vous coûte.
Lélie
Quoi ? Vous la connaissez ?
Andrès
C’est moi qui maintenant
Viens de la racheter.
Lélie
Oh ! discours surprenant !
Andrès
Sa santé de partir ne nous pouvant permettre,
Au logis que voilà je venais de la mettre,
Et je suis très-ravi, dans cette occasion,
Que vous m’ayez instruit de votre intention.
Lélie
Quoi ? j’obtiendrais de vous le bonheur que j’espère ?
Vous pourriez… ?
Andrès
Tout à l’heure on va vous satisfaire.
Lélie
Que pourrai-je vous dire, et quel remerciement… ?
Andrès
Non, ne m’en faites point, je n’en veux nullement.