DES PLAISIRS DE L’ORDRE.

Il ne suffit pas de montrer à l’âme beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre : car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, et nous commençons à imaginer ce que nous verrons ; notre âme se félicite de son étendue et de sa pénétration ; mais dans un ouvrage où il n’y a point d’ordre, l’âme sent à chaque instant troubler celui qu’elle y veut mettre. La suite que l’auteur s’est faite, et celle que nous nous faisons, se confondent ; l’âme ne retient rien, ne prévoit rien ; elle est humiliée par la confusion de ses idées, par l’inanité qui lui reste ; elle est vainement fatiguée, et ne peut goûter aucun plaisir : c’est pour cela que, quand le dessein n’est pas d’exprimer ou de montrer la confusion, on met toujours de l’ordre dans la confusion même. Ainsi les peintres groupent leurs figures ; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l’œil doit distinguer, et la confusion dans le fond et le lointain.

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