Les Indiens sont naturellement sans courage ; les enfants même des Européens nés aux Indes perdent celui de leur climat. Mais comment accorder cela avec leurs actions atroces, leurs coutumes, leurs pénitences barbares ? Les hommes s’y soumettent à des maux incroyables, les femmes s’y brûlent elles-mêmes : voilà bien de la force pour tant de faiblesse.
La nature, qui a donné à ces peuples une faiblesse qui les rend timides, leur a donné aussi une imagination si vive que tout les frappe à l’excès. Cette même délicatesse d’organes qui leur fait craindre la mort, sert aussi à leur faire redouter mille choses plus que la mort. C’est la même sensibilité qui leur fait fuir tous les périls, et les leur fait tous braver.
Comme une bonne éducation est plus nécessaire aux enfants qu’à ceux dont l’esprit est dans sa maturité, de même les peuples de ces climats ont plus besoin d’un législateur sage que les peuples du nôtre. Plus on est aisément et fortement frappé, plus il importe de l’être d’une manière convenable, de ne recevoir pas des préjugés, et d’être conduit par la raison.
Du temps des Romains, les peuples du nord de l’Europe vivaient sans arts, sans éducation, presque sans lois ; et cependant, par le seul bon sens attaché aux fibres grossières de ces climats, ils se maintinrent avec une sagesse admirable contre la puissance romaine , jusqu’au moment où ils sortirent de leurs forêts pour la détruire.