CHAPITRE II. COMBIEN POUR LES MEILLEURES LOIS IL EST NÉCESSAIRE QUE LES ESPRITS SOIENT PRÉPARÉS

Rien ne parut plus insupportable aux Germains 1 que le tribunal de Varus. Celui que Justinien érigea 2 chez les Laziens, pour faire le procès au meurtrier de leur roi, leur parut une chose horrible et barbare. Mithridate 3 , haranguant contre les Romains, leur reproche surtout les formalités de leur justice. Les Parthes ne purent supporter ce roi, qui, ayant été élevé à Rome, se rendit afflable et accessible à tout le monde. La liberté même a paru insupportable à des peuples qui n’étaient pas accoutumés à en jouir . C’est ainsi qu’un air pur est quelquefois nuisible à ceux qui ont vécu dans les pays marécageux.

Un Vénitien nommé Balbi, étant au Pégu, fut introduit chez le roi. Quand celui-ci apprit qu’il n’y avait point de roi à Venise, il fit un si grand éclat de rire, qu’une toux le prit, et qu’il eut beaucoup de peine à parler ses courtisans . Quel est le législateur qui pourrait proposer le gouvernement populaire à des peuples pareils ?

1 Ils coupaient la langue aux avocats et disaient : Vipère, cesse de siffler. Tacite. (M.) C’est Florus, IV, 12, qui dit cela.

2 Agathias, liv. IV. (M.)

3 Justin, liv. XXXVIII. (M.)

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