CHAPITRE XII. DES MANIÈRES ET DES MŒURS DANS L’ÉTAT DESPOTIQUE.

C’est une maxime capitale, qu’il ne faut jamais changer les mœurs et les manières dans l’État despotique ; rien ne serait plus promptement suivi d’une révolution. C’est que, dans ces États, il n’y a point de lois, pour ainsi dire ; il n’y a que des mœurs et des manières ; et, si vous renversez cela, vous renversez tout.

Les lois sont établies, les mœurs sont inspirées ; celles-ci tiennent plus à l’esprit général, celles-là tiennent plus à une institution particulière : or il est aussi dangereux, et plus, de renverser l’esprit général, que de changer une institution particulière.

On se communique moins dans les pays où chacun, et comme supérieur et comme inférieur, exerce et souffre un pouvoir arbitraire, que dans ceux où la liberté règne dans toutes les conditions. On y change donc moins de manières et de mœurs. Les manières plus fixes approchent plus des lois. Ainsi, il faut qu’un prince ou un législateur y choque moins les mœurs et les manières que dans aucun pays du monde.

Les femmes y sont ordinairement enfermées, et n’ont point de ton à donner. Dans les autres pays où elles vivent avec les hommes, l’envie qu’elles ont de plaire, et le désir que l’on a de leur plaire aussi, font que l’on change continuellement de manières. Les deux sexes se gâtent, ils perdent l’un et l’autre leur qualité distinctive et essentielle : il se met un arbitraire dans ce qui était absolu, et les manières changent tous les jours .

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