CHAPITRE XIII. DES CRIMES INEXPIABLES.

Il paraît, par un passage des livres des pontifes, rapporté par Cicéron  , qu’il y avait chez les Romains des crimes  inexpiables ; et c’est là-dessus que Zozime fonde le récit si propre à envenimer les motifs de la conversion de Constantin, et Julien cette raillerie amère qu’il fait de cette même conversion dans ses Césars  .

La religion païenne, qui ne défendait que quelques crimes grossiers, qui arrêtait la main et abandonnait le cœur, pouvait avoir des crimes inexpiables ; mais une religion qui enveloppe toutes les passions ; qui n’est pas plus jalouse des actions que des désirs et des pensées ; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils ; qui laisse derrière elle la justice humaine, et commence une autre justice ; qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l’amour, et de l’amour au repentir ; qui met entre le juge et le criminel un grand médiateur, entre le juste et le médiateur un grand juge : une telle religion ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais, quoiqu’elle donne des craintes et des espérances à tous, elle fait assez sentir que s’il n’y a point de crime qui, par sa nature, soit inexpiable, toute une vie peut l’être ; qu’il serait très-dangereux de tourmenter sans cesse  la miséricorde par de nouveaux crimes et de nouvelles expiations ; qu’inquiets sur les anciennes dettes, jamais quittes envers le Seigneur, nous devons craindre d’en contracter de nouvelles, de combler la mesure, et d’aller jusqu’au terme où la bonté paternelle finit.

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