CHAPITRE PREMIER QUELQUES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

Quoique le commerce soit sujet à de grandes révolutions, il peut arriver que de certaines causes physiques, la qualité du terrain ou du climat, fixent pour jamais sa nature.

Nous ne faisons aujourd’hui le commerce des Indes que par l’argent que nous y envoyons. Les Romains 1 y portaient toutes les années environ cinquante millions de sesterces. Cet argent, comme le nôtre aujourd’hui, était converti en marchandises qu’ils rapportaient en Occident. Tous les peuples qui ont négocié aux Indes y ont toujours porté des métaux, et en ont rapporté des marchandises.

C’est la nature même qui produit cet effet. Les Indiens ont leurs arts, qui sont adaptés à leur manière de vivre. Notre luxe ne saurait être le leur, ni nos besoins être leurs besoins. Leur climat ne leur demande ni ne leur permet presque rien de ce qui vient de chez nous. Ils vont en grande partie nus ; les vêtements qu’ils ont, le pays les leur fournit convenables ; et leur religion, qui a sur eux tant d’empire a , leur donne de la répugnance pour les choses qui nous servent de nourriture. Ils n’ont donc besoin que de nos métaux, qui sont les signes des valeurs, et pour lesquels ils donnent des marchandises, que leur frugalité et la nature de leur pays leur procure en grande abondance. Les auteurs anciens qui nous ont parlé des Indes, nous les dépeignent 2 telles que nous les voyons aujourd’hui, quant à la police, aux manières et aux mœurs. Les Indes ont été, les Indes seront ce qu’elles sont à présent ; et, dans tous les temps, ceux qui négocieront aux Indes y porteront de l’argent, et n’en rapporteront pas.

1 Pline, Hist. nat., liv. VI, c. XXIII, et inf. c. VI. (M.)

a A. B. Et leur religion, qui est indestructible, leur donne, etc

2 Voyez Pline, liv. VI, c. XIX ; et Strabon, liv. XV. (M.)

Share on Twitter Share on Facebook