CHAPITRE PREMIER. RAISON DE L’USAGE DE LA MONNAIE.

Les peuples qui ont peu de marchandises pour le commerce, comme les sauvages, et les peuples policés qui n’en ont que de deux ou trois espèces, négocient par échange. Ainsi les caravanes de Maures qui vont à Tombouctou, dans le fond de l’Afrique, troquer du sel contre de l’or, n’ont pas besoin de monnaie. Le Maure met son sel dans un monceau ; le Nègre, sa poudre dans un autre : s’il n’y a pas assez d’or, le Maure retranche de son sel, ou le Nègre ajoute de son or, jusqu’à ce que les parties conviennent 1 .

Mais lorsqu’un peuple trafique sur un très-grand nombre de marchandises, il faut nécessairement une monnaie, parce qu’un métal facile à transporter épargne bien des frais que l’on serait obligé de faire si l’on procédait toujours par échange.

Toutes les nations ayant des besoins réciproques, il arrive souvent que l’une veut avoir un très-grand nombre de marchandises de l’autre, et celle-ci très-peu des siennes ; tandis qu’à l’égard d’une autre nation, elle est dans un cas contraire. Mais lorsque les nations ont une monnaie, et qu’elles procèdent par vente et par achat, celles qui prennent plus de marchandises se soldent, ou paient l’excédant avec de l’argent ; et il y a cette différence, que, dans le cas de l’achat, le commerce se fait à proportion des besoins de la nation qui demande le plus ; et que, dans l’échange, le commerce se fait seulement dans l’étendue des besoins de la nation qui demande le moins, sans quoi cette dernière serait dans l’impossibilité de solder son compte.

1 Hérodote, liv. IV, c. CXCVI, nous dit la même chose du commerce des Carthaginois avec certains peuples d’Afrique.

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