LETTRE V 1 .

A N** 2 .

Je ne sais si je vous aurai assez dit hier combien je vous aime, combien je me donne, et combien je me sens à vous, toutes les fois que je vous vois. Toutes les fois que vous m’écrivez, il me semble que je vous aime davantage.

Je vous remercie de ce que vous voulez bien travailler à me procurer les moyens de vous voir plus aisément, comme je vous remercie de mon bonheur.

J’ai mille choses à vous dire. Je ne vous ai rien dit ; vous ne me connaissez pas [je ne vous connais pas 3 ] ; d’où vient que je vous aime ?

J’approuve infiniment ce que vous me mandâtes hier, que vous ne vouliez pas de confidente. On n’en a que les inconvénients, on n’en aime que moins. Nous n’en aurions besoin que pour nous racommoder, et nous ne nous brouillerons jamais.

[1725 ?]

1 Publiée par M. Vian, Hist. de Montesquieu, p. 76.

2 M. Vian suppose que ce billet et les deux suivants sont adressés à Mlle de Clermont, pour qui Montesquieu écrivit le Temple de Gnide. Ces billets, dont nous n’avons que les brouillons, auraient donc été écrits vers 1725. Mais avons-nous le droit de mettre une adresse à ces billets anonymes ? Nous ne savons ni à qui ils sont écrits, ni même s’ils sont écrits à une personne vivante, et, malgré les bruits du temps, nous ne pouvons pas affirmer que le président de Montesquieu ait jamais eu le droit d’écrire sur ce ton à une princesse du sang.

3 Les mots mis entre crochets sont surchargés dans l’original. (Vian.)

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