LETTRE CXL.

RICA A USBEK.

A ***.

Le parlement de Paris vient d’être relégué dans une petite ville qu’on appelle Pontoise. Le Conseil lui a envoyé enregistrer ou approuver une déclaration qui le déshonore ; 1 et il l’a enregistrée d’une manière qui déshonore le Conseil.

On menace d’un pareil traitement quelques parlements du royaume.

Ces compagnies sont toujours odieuses ; elles n’approchent des rois que pour leur dire de tristes vérités ; et, pendant qu’une foule de courtisans leur représentent sans cesse un peuple heureux sous leur gouvernement, elles viennent démentir la flatterie et apporter au pied du trône les gémissements et les larmes dont elles sont dépositaires. 2

C’est un pesant fardeau, mon cher Usbek, que celui de la vérité lorsqu’il faut la porter jusqu’aux princes ! Ils doivent bien penser que ceux qui s’y déterminent y sont contraints, et qu’ils ne se résoudraient jamais à faire des démarches si tristes et si affligeantes pour ceux qui les font, s’ils n’y étaient forcés par leur devoir, leur respect, et même leur amour.

De Paris, le 21 de la lune de gemmadi 1, 1720.

1 Le parlement s’opposait au système de Law ; il fut exilé à Pontoise par le régent, le 21 juillet 1720. Mémoires de Mathieu Marais, t. I, p. 332. Chanson du temps :

Le parlement est à Pontoise

Sur Oise,

Par ordre du régent.

Il leur a pris tout leur argent,

Et puis il leur a cherché noise.

Le parlement est à Pontoise.

MATHIEU MARAIS, t.1, p. 355.

2 Esprit des lois, V, 10.

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