À mademoiselle

Mademoiselle,

On ne trouvera pas étrange qu’un enfant ait pris plaisir à composer les contes de ce recueil, mais on s’étonnera qu’il ait eu la hardiesse de vous les présenter. Cependant, Mademoiselle, quelque disproportion qu’il y ait entre la simplicité de ces récits, et les lumières de votre esprit, si on examine bien ces contes, on verra que je ne suis pas aussi blâmable que je le parais d’abord. Ils renferment tous une morale très sensée, et qui se découvre plus ou moins, selon le degré de pénétration de ceux qui les lisent ; d’ailleurs comme rien ne marque tant la vaste étendue d’un esprit, que de pouvoir s’élever en même temps aux plus grandes choses, et s’abaisser aux plus petites, on ne sera point surpris que la même Princesse, à qui la nature et l’éducation ont rendu familier ce qu’il y a de plus élevé, ne dédaigne pas de prendre plaisir à de semblables bagatelles. Il est vrai que ces contes donnent une image de ce qui se passe dans les moindres familles, où la louable impatience d’instruire les enfants fait imaginer des histoires dépourvues de raison, pour s’accommo­der à ces mêmes enfants qui n’en ont pas encore ; mais à qui convient-il mieux de connaître comment vivent les peuples, qu’aux personnes que le ciel destine à les conduire ? Le désir de cette connaissance a poussé des héros, et même des héros de votre race, jusque dans des huttes et des cabanes, pour y voir de près et par eux même ce qui s’y passait de plus particulier : cette connaissance leur ayant paru nécessaire pour leur parfaite instruction. Quoi qu’il en soit, Mademoiselle,

Pouvais-je mieux choisir pour rendre vraisemblable

Ce que la Fable a d’incroyable ?

Et jamais Fée au temps jadis

Fit-elle à jeune Créature,

Plus de dons, et de dons exquis,

Que vous en a fait la Nature ?

Je suis avec un très profond respect,

Mademoiselle,

De Votre Altesse Royale,

Le très humble et très obéissant serviteur,

P. DARMANCOUR.

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