L’édit d’un préteur.
Votre lettre m’a causé des émotions diverses, car elle contient à la fois d’heureuses et de tristes nouvelles ; les nouvelles heureuses sont d’abord que vous êtes retenu à Rome (je le regrette, dites-vous, mais moi j’en suis charmé) ; c’est en outre que vous me promettez de donner une lecture dès mon retour, et je vous rends grâce de m’attendre. Les nouvelles tristes, les voici : Julius Valens est gravement malade ; encore cette nouvelle n’est-elle pas vraiment triste, si l’on ne consulte que son intérêt, car ce serait un bonheur pour lui d’être délivré au plus tôt d’un mal incurable. Mais ce qui est une grande tristesse et même un déplorable deuil, c’est la mort de Julius Avitus, survenue au moment où il rentrait de sa questure, sa mort sur le navire, loin d’un frère qui l’aimait tendrement, loin de sa mère, loin de ses sœurs. Aucune de ces circonstances ne le touche plus, maintenant qu’il est mort, mais elles l’ont tourmenté dans ses derniers moments et elles tourmentent ceux qui lui survivent ; et puis, quelle douleur de voir s’éteindre à la fleur de l’âge, un jeune homme d’un si beau talent, déjà monté si haut, et qui serait monté au premier rang, si ses vertus avaient eu le temps de mûrir. Quelle passion l’enflammait pour les lettres ! que de lectures ! Que d’écrits même déjà produits ! Et maintenant tous ces biens, perdus avec lui pour la postérité, se sont évanouis. Mais pourquoi m’abandonner à mon chagrin ? Quand on lui lâche la bride, tout sujet lui paraît le plus grand. J’arrête cette lettre, pour arrêter aussi le cours de mes larmes, qu’elle a fait couler. Adieu.