III. – Pline salue son cher Caninius Rufus…

La campagne et l’étude

Que devient Côme , vos délices et les miennes ? Que devient cette charmante villa de la banlieue  ? Et ce portique où règne un éternel printemps ? Et cet épais ombrage de platanes ? Et ce canal dont les eaux vertes ont la limpidité des pierreries ? Et ce bassin en contre-bas qui en recueille les eaux ? Et cette allée pour la promenade en litière , au sol à la fois souple et ferme ? Et cette piscine inondée de soleil à l’intérieur et à l’extérieur ? Et ces salles à manger, l’une pour les réceptions nombreuses, l’autre pour l’intimité ? Et ces chambres pour la sieste ou pour le sommeil ? ces lieux ont-ils le bonheur de vous retenir et de vous posséder tour à tour ? Ou bien, selon votre habitude, l’obligation de visiter vos domaines vous contraint-elle à les quitter par de fréquents voyages ? S’ils vous retiennent, vous êtes le plus heureux des mortels. Sinon, un homme comme il y en a tant. Que ne confiez-vous à d’autres, il en est temps enfin, ces soucis bas et mesquins, pour vous adonner aux lettres dans cette retraite paisible et profonde ? Quels que soient vos affaires, vos loisirs, votre labeur, vos délassements, consacrez-leur vos veilles, votre sommeil même. Ciselez, polissez une œuvre qui vous appartienne pour toujours. Tous vos autres biens, après vous, changeront mille fois de maîtres, mais la gloire littéraire, du jour où vous l’aurez acquise, ne cessera jamais d’être à vous. Je sais à quelle âme, à quelle intelligence je m’adresse. Tâchez seulement d’avoir pour vous l’estime que vous témoignera le public, si vous l’accordez à vous-même. Adieu.

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