2e Plaidoyer en faveur des habitants de la Bétique.
Quoique mes amis alors présents et les propos du public semblent avoir approuvé ma conduite, j’ai cependant le plus vif désir de connaître votre sentiment à vous. Car autant avant d’agir j’aurais souhaité requérir votre avis, autant même après le fait accompli, je désire ardemment d’avoir votre appréciation. Voulant entreprendre à mes frais un monument public en Toscane , j’y avais fait un saut, après avoir obtenu un congé à titre de préfet du trésor, quand des députés de la province de Bétique venant porter plainte contre le proconsulat de Cecilius Classicus me demandèrent au Sénat comme avocat. Mes excellents et tout dévoués collègues s’étant entretenus auparavant des besoins de notre charge commune tentèrent de m’excuser et de me faire dispenser. On prit un sénatus-consulte infiniment honorable pour moi, décidant que les provinciaux m’auraient pour défenseur, s’ils obtenaient mon propre consentement. Les députés rappelés devant le Sénat me demandèrent de nouveau, et cette fois à moi en personne, d’être leur avocat, implorant mon dévouement, dont ils avaient fait l’épreuve contre Massa Bebius et alléguant le pacte scellé entre eux et moi par leur défense. Le Sénat accueillit leur prière avec ces marques d’approbation manifeste qui précèdent d’ordinaire ses décrets. Alors moi : « Je cesse, dis-je, pères conscrits, de croire que j’aie apporté de bonnes raisons de mon refus. » On loua et la modestie et la formule de cette réponse.
J’ai été amené à cette décision non seulement par l’accord unanime du Sénat, quoique ce motif soit le plus puissant de tous, mais encore par quelques autres raisons d’ordre inférieur, qui sont pourtant des raisons. Je me remémorais que nos ancêtres vengeaient même des hôtes privés, en déposant des accusations de leur propre initiative ; et il ne me paraissait que plus honteux de manquer aux lois de l’hospitalité publique. De plus en me rappelant à quels dangers même je m’étais exposé dans ma première assistance prêtée à ces mêmes peuples de la Bétique, je me croyais obligé de conserver le mérite du premier service par un second. Car ainsi vont les choses, que l’on annule les anciens bienfaits, si l’on n’y met le comble par de nouveaux. Vous avez beau obliger cent fois, si vous refusez une, c’est de ce refus seul qu’on se souviendra. J’étais invité encore par la mort de Classicus qui écartait ce que ce genre d’affaires offre de plus affligeant, le danger que court un sénateur. Je voyais donc mon assistance bénéficier d’autant de reconnaissance que s’il vivait, sans encourir aucun ressentiment. Enfin je faisais le compte que, en m’acquittant de ce ministère encore cette fois, qui était la troisième, il me serait plus facile de me récuser, si le hasard me présentait quelque accusation que je ne dusse pas soutenir ; car toute obligation ayant des bornes, notre complaisance prépare la meilleure excuse à la liberté de nos refus.
Vous connaissez les motifs de ma décision ; il vous reste à vous prononcer pour ou contre ; votre sincérité, si vous ne partagez pas mon avis, ne me fera pas moins de plaisir que votre suffrage, si vous m’approuvez. Adieu.