XXI. – C. PLINE SALUE SON CHER CORNELIUS PRISCUS.

Regrets sur la mort du poète Martial.

J’apprends la mort de Valerius Martial et j’en suis affligé : c’était un écrivain plein de talent, d’esprit et de verve dont le style a beaucoup de finesse, de malice, et non moins de sincérité. Je lui avais fait hommage, à son départ de l’argent du voyage ; je devais cela à l’amitié, je le devais aussi aux petits vers, qu’il a composés sur moi. C’était un usage chez les anciens d’accorder ou des honneurs ou de l’argent à ceux qui avaient écrit l’éloge soit de quelque particulier soit d’une ville ; de notre temps, hélas, avec d’autres coutumes belles et nobles, celle-là s’est perdue la première. Car depuis que nous avons cessé de faire des actions louables, nous considérons la louange aussi comme déplacée.

Vous me demandez quels sont les petits vers dont je me suis montré reconnaissant ? Je vous renverrais au volume lui-même, si je n’en savais quelques-uns par cœur ; au cas où ils vous plairaient, vous chercherez les autres dans le recueil. Le poète s’adresse à la Muse ; il lui recommande de chercher ma maison des Esquilles et de s’y présenter avec respect : « Ne va pas, Muse, choisissant mal ton temps, frapper, dans l’ivresse du matin, à cette porte savante, garde-t’en bien. Il consacre ses jours entiers à l’austère Minerve, s’appliquant, pour plaire aux oreilles des cent juges, à des discours dignes d’être comparés par les générations futures à ceux de l’orateur d’Arpinum. Il est plus sûr de t’y rendre aux flambeaux du soir ; c’est ton heure, l’heure du délire de Bacchus, l’heure des roses et des cheveux parfumés. C’est l’heure où me lisent même les rigides Catons. » Ne devais-je pas à celui qui a parlé de moi en ces termes les marques de mon affection à son départ et de ma douleur à sa mort, comme à celle d’un ami très cher ? Il m’a donné tout ce qui était en son pouvoir, prêt à me donner davantage, s’il l’avait pu. D’ailleurs, que peut-on donner à l’homme de plus précieux que la renommée, la gloire, et l’immortalité ? Mais, dira-t-on, les poésies de Martial ne seront pas immortelles ; peut-être, mais il les a écrites dans la pensée qu’elles le seraient. Adieu.

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