Les mortels parfaits.
Dernièrement la santé languissante d’un de mes amis m’a inspiré cette réflexion, que nous ne sommes jamais plus vertueux que dans la maladie. Quel est en effet le malade que tourmente l’avarice, ou l’ambition, ou les passions ? On ne porte plus les chaînes de l’amour, on ne convoite plus les honneurs, on ne fait plus cas des richesses, et, quelque peu que l’on possède, on en a assez, pensant qu’on va le quitter. Alors on se souvient qu’il y a des dieux, qu’on est homme, on n’envie personne, on ne s’engoue de personne, on ne méprise personne, et même les médisances n’ont plus de saveur pour notre curiosité. On ne rêve que bains et fontaines. Tel est l’objet de nos soucis, le comble de nos vœux et pour l’avenir, si nous avons le bonheur d’échapper à la mort, nous ne nous proposons plus qu’une vie douce et oisive, c’est-à-dire innocente et heureuse . Je peux donc résumer les enseignements que les philosophes s’épuisent à nous donner avec force paroles, et même avec force volumes, et nous conseiller en peu de mots à vous et à moi de nous conserver, dans la santé, tels que, dans la maladie, nous promettons d’être. Adieu.