II THÉORIE DE HELMHOLTZ

J’ai insisté sur les conséquences de la théorie d’Ampère et de sa façon de comprendre l’action des courants ouverts.

Il est difficile de méconnaître le caractère paradoxal et artificiel des propositions auxquelles on est ainsi conduit ; on est amené à penser que « ça ne doit pas être ça ».

On conçoit donc qu’Helmholtz ait été amené à chercher autre chose.

Helmholtz rejette l’hypothèse fondamentale d’Ampère, à savoir que l’action mutuelle de deux éléments de courant se ramène à une force dirigée suivant la droite qui les joint.

Il admet qu’un élément de courant n’est pas soumis à une force unique, mais à une force et à un couple. C’est même ce qui a donné lieu à la polémique célèbre de Bertrand et d’Helmholtz.

Helmholtz remplace l’hypothèse d’Ampère par la suivante : deux éléments de courant admettent toujours un potentiel électrodynamique, dépendant uniquement de leur position et de leur orientation, et le travail des forces qu’ils exercent l’un sur l’autre est égal à la variation de ce potentiel. Ainsi Helmholtz ne peut pas plus qu’Ampère se passer de l’hypothèse ; mais au moins il ne la fait pas sans l’énoncer explicitement.

Dans le cas des courants fermés, seul accessible à l’expérience, les deux théories concordent : dans tous les autres cas, elles différent.

D’abord, contrairement à ce que supposait Ampère la force à laquelle semble soumise la portion mobile d’un courant fermé n’est pas la même que cette portion mobile subirait si elle était isolée et constituait un courant ouvert.

Revenons au circuit C’ dont nous avons parlé plus haut et qui était formé d’un fil mobile αβ glissant sur un fil fixe ; dans la seule expérience réalisable, la portion mobile αβ n’est pas isolée, mais fait partie d’un circuit fermé. Quand elle vient de AB en A’B’, le potentiel électrodynamique total varie pour deux raisons :

1° il subit un premier accroissement parce que le potentiel de A’B’ par rapport au circuit C n’est pas le même que celui de AB ;

2° il subit un second accroissement, parce qu’il faut l’augmenter des potentiels des éléments AA’ et B’B par rapport à C.

C’est ce double accroissement qui représente le travail de la force à laquelle la portion AB semble soumise.

Si, au contraire, αβ était isolé, le potentiel ne subirait que le premier accroissement, et c’est ce premier accroissement seulement qui mesurerait le travail de la force qui agit sur AB.

En second lieu, il ne peut pas y avoir de rotation continue sans contact glissant ; et, en effet, c’est là, comme nous l’avons vu à propos des courants fermés, une conséquence immédiate de l’existence d’un potentiel électrodynamique.

Dans l’expérience de Faraday, si l’aimant est fixe et si la partie du courant extérieure à l’aimant parcourt un fil mobile, cette partie mobile pourra subir une rotation continue. Mais cela ne veut pas dire que si l’on supprimait les contacts du fil avec l’aimant et qu’on fit parcourir le fil par un courant ouvert, le fil prendrait encore un mouvement de rotation continue.

Je viens de dire, en effet, qu’un élément isolé ne subit pas la même action qu’un élément mobile faisant partie d’un circuit fermé.

Autre différence : l’action d’un solénoïde fermé sur un courant fermé est nulle d’après l’expérience et d’après les deux théories ; son action sur un courant ouvert serait nulle d’après Ampère ; elle ne serait pas nulle d’après Helmholtz.

D’où une conséquence importante. Nous avons donné plus haut trois définitions de la force magnétique ; la troisième n’a ici aucun sens puisqu’un élément de courant n’est plus soumis à une force unique. La première n’en a pas non plus. Qu’est-ce, en effet, qu’un pôle magnétique ? C’est l’extrémité d’un aimant linéaire indéfini. Cet aimant peut être remplacé par un solénoïde indéfini. Pour que la définition de la force magnétique eût un sens, il faudrait que l’action exercée par un courant ouvert sur un solénoïde indéfini ne dépendît que de la position de l’extrémité de ce solénoïde, c’est-à-dire que l’action sur un solénoïde fermé fût nulle. Or, nous venons de voir que ce n’était pas vrai.

En revanche, rien n’empêche d’adopter la deuxième définition, celle qui est fondée sur la mesure du couple directeur qui tend à orienter une aiguille aimantée.

Mais, si on l’adopte, ni les effets d’induction ni les effets électrodynamiques ne dépendront uniquement de la distribution des lignes de force de ce champ magnétique.

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