LA PRUNE

À Marcel Schwob.

Au bout de la branche pend une prune qui ne veut pas tomber. Pourtant, gonflée comme une joue d’enfant boudeur, mûre, pleine d’un jus lourd, elle est continûment attirée vers la terre.

D’une pointe de feu le soleil lui pique la peau, lui ronge ses couleurs, lui brûle la queue tout le jour.

Elle ne se détache pas.

Le vent l’attaque, à son tour, l’enveloppe d’abord, la caresse sournoisement de son haleine, puis, s’acharnant, souffle dessus d’un brusque effort.

La prune remue au gré du vent, docile, dorlotée, dormante.

Une violente pluie d’orage la crible de minuscules balles crépitantes. Les balles fondent en rosée et la prune luit, regarde, comme un gros œil, au travers.

Un merle se pose sur la branche, par petites détentes sèches s’approche de la prune, lui lance de loin, prudent, les ailes prêtes, des coups de bec en vain rectifiés.

À chaque coup, la branche mince plie, la prune recule et fait signe que non.

Elle défierait jusqu’au soufflet d’une longue perche, jusqu’aux échelles des hommes.

Or Bonne-Amie vient à passer.

Elle voit la prune, lui sourit, se cambre avec nonchalance, penche la tête en arrière, cligne de l’œil et ouvre ses lèvres humides de gourmandise.

La prune y tombe !

Et Bonne-Amie, qui ne doute de rien, me dit, sans paraître étonnée, la bouche pleine :

– Tu vois, elle achédé à moncheul désir.

Mais aussitôt punie que coupable du péché d’orgueil, elle rejette la prune.

Il y a un ver dedans.

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