LE RÊVE

À Alfred Swann.

Mlle Eugénie Lérin se demande, en s’éveillant :

– Où suis-je ?

Il lui faut reconstituer, détail à détail, la chambre, faire la reconnaissance des objets familiers, se déclarer :

– Voici la pendule et voilà le paravent. En face : les fenêtres !

Elle s’est donc grisée ?

Elle se croit, au cerveau, une pelote de glu, où toutes ses idées sont collées comme des pattes de mouche :

– Qu’est-ce que j’ai fait, sans le vouloir ?

Elle bâille, boursoufle l’édredon, tente de se rendormir, sur le ventre, sur le dos. Elle compte au plafond les taches de plâtre, et presse ses tempes entre ses pouces, comme pour faire jaillir le souvenir hors du front :

– Tiens, tiens, tiens !

Parfois ses lèvres s’avancent, en suçoir, aux succulents « passages » du rêve.

– Fameux ! que serait-ce, si c’était « pour de vrai » ?

Un instant, elle prend la pose dite en chien de fusil, croise ses doigts et ramène ses genoux au menton. Puis elle se détend, s’assied sur le lit, et met le premier bas, sans hâte, paresseuse.

Et tandis que la soie, toutes ses mailles titillées, fait ses délices de la peau, la jeune fille penche encore la tête, s’attarde à écouter, entend distinctement des choses, à gauche.

Elle a une tourterelle dans le cœur !

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