III

Avril ne sait pas qui, ne le saura jamais. Peu à peu, la chambrée est redevenue indifférente. Il s’exaspère toujours. Une salive continue aux lèvres, il pèle à force de se laver la figure. La nuit, il imagine de ramper au milieu des lits. Tantôt il guette ceux qui rêvent tout haut. Tantôt il serre une gorge en criant :

– C’est toi, hein ! dis que c’est toi.

On lui lance des godillots. Il s’enfuit à grandes enjambées et ne s’endort qu’au petit jour d’un sommeil trouble où son imagination lui retrace obstinément un tableau si exact, que de dégoût, Avril fronce ses narines.

Souvent, après la soupe, il sort seul, cherche un quartier silencieux de la ville. La place est déserte. À peine un chien frôle un banc. Avril s’assied et s’enveloppe la tête dans un mouchoir parfumé. Aussitôt les souvenirs se mettent à leur travail de fouisseurs. Le cœur malade, Avril se lève et se promène d’arbre en arbre. Les nausées le suivent.

Et c’est irréparable.

Certes, la vie lui réserve d’agréables surprises. Plus tard, il lira des vers de fine poésie. Il entendra des chants d’oiseaux. Il pourra toucher du bout du doigt la peau élastique des femmes, respirer des fleurs, sucer des sucreries, et peut-être que ses yeux seront charmés par des élégances d’ibis roses, mais il n’oubliera jamais qu’une fois il a senti sur sa face la caresse d’un derrière d’homme.

Tristement Avril s’appuie contre un arbre, et, par petites secousses douloureuses, il commence de vomir.

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