Chauves-souris

La nuit s’use à force de servir.

Elle ne s’use point par le haut, dans ses étoiles. Elle s’use comme une robe qui traîne à terre, entre les cailloux et les arbres, jusqu’au fond des tunnels malsains et des caves humides.

Il n’est pas de coin où ne pénètre un pan de nuit. L’épine le crève, les froids le gercent, la boue le gâte. Et chaque matin, quand la nuit remonte, des loques s’en détachent, accrochées au hasard.

Ainsi naissent les chauves-souris.

Et elles doivent à cette origine de ne pouvoir supporter l’éclat du jour.

Le soleil couché, quand nous prenons le frais, elles se décollent des vieilles poutres où, léthargiques, elles pendaient d’une griffe.

Leur vol gauche nous inquiète. D’une aile baleinée et sans plumes, elles palpitent autour de nous. Elles se dirigent moins avec d’inutiles yeux blessés qu’avec l’oreille.

Mon amie cache son visage, et moi je détourne la tête par peur du choc impur.

On dit qu’avec plus d’ardeur que notre amour même, elles nous suceraient le sang jusqu’à la mort.

Comme on exagère !

Elles ne sont pas méchantes. Elles ne nous touchent jamais.

Filles de la nuit, elles ne détestent que les lumières, et, du frôlement de leurs petits châles funèbres, elles cherchent des bougies à souffler.

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