Le titre de cette histoire éveillerait sans doute plus d’un souvenir dans l’esprit du lecteur, si le nom propre qu’on y voit figurer n’était autre qu’un nom supposé.
Pour peu qu’il fût véritable, il rappellerait à la fois un artiste dont la renommée connut l’éclat fugitif des étoiles filantes, et certaine affaire criminelle sur quoi les journaux firent le silence le plus étrange, après l’avoir timidement et mystérieusement consignée.
Tel un sous-marin qui navigue en plongée, son périscope seul émergeant, l’aventure n’a montré à la surface du siècle qu’un tout petit bout saugrenu d’elle-même.
Ayant la fortune de la connaître de point en point, surpris de son caractère tout ensemble extravagant et réel, et charmé de cette double nature – sans trop savoir s’il convient d’y préférer l’invraisemblance ou la vérité, le fantastique ou son explication –, j’ai cédé à l’envie de la conter par le menu, encore que le métier de conteur ne soit pas le mien.
Si je pouvais faire passer au lecteur ma carte de visite, il apprendrait, en effet, que je m’appelle Gaston Breteuil et que j’exerce à Paris la profession de journaliste judiciaire.
Ce fut par le plus grand des hasards que le tourbillon de ces événements me happa sur son trajet et que, en moins de trois minutes, je me trouvai transporté de l’insouciance à la stupéfaction, devant le cadavre le plus extraordinaire qu’un mortel soit jamais admis à contempler.
Il y avait déjà beau temps que l’histoire singulière se déroulait, lorsque je fus appelé à jouer, parmi ses personnages, le rôle effacé de figurant attentif ; et c’est de Mme Orlac que je tiens le récit du commencement. Il est bon que la circonstance soit notée, car elle fera comprendre pourquoi Mme Orlac encombre, en quelque sorte, les premiers chapitres, et comment il se fait que toute chose y semble reflétée au miroir de son âme, de son esprit ou de son cœur.
J’aurais évité cela, si j’étais un conteur ; et aussi, j’aurais sans doute entamé l’histoire par le milieu, sinon par l’épilogue, comme font nos romanciers les plus experts, afin de frapper le grand coup le premier. Mais il m’a déplu de rompre l’inouï crescendo de terreur et de curiosité qui fait des Mains d’Orlac une ascension passablement bizarre.
Et puis, le début n’est déjà point si banal.